6.2.2 Comparaison « inter-langues » de la durÉe des pauses

La comparaison « inter-langues » a été effectuée au moyen d’un test t sur échantillons appariés, d’un emploi général dans les problèmes de comparaison de moyennes (Vessereau 1947: 78). Dans ce cas-ci, il s’agit d’un test t intra-sujets, qui permet d’évaluer une variable dépendante en observant les mêmes sujets dans deux conditions (Greene & D’Oliveira 2000: 127). En d’autres termes, il s’agit de comparer les valeurs des pauses, chez les mêmes sujets, suivant qu’ils s’expriment en langue A ou B.

Là où l’ANOVA permet de comparer deux ou plus de deux conditions en manipulant plusieurs variables, le test t ne peut être utilisé que dans deux conditions et pour évaluer l’effet d’une seule variable. Le test identifie le rapport (t) entre, d’une part, les différences obtenues pour chaque sujet dans les deux conditions expérimentales et, d’autre part, la variance totale dans les différences entre tous les scores obtenus. Au cas où il n’y aurait que des écarts casuels entre les scores dans les deux conditions, la variance due à la manipulation expérimentale serait limitée et t aurait une valeur basse. En revanche, des différences dues à la variable indépendante donneraient lieu à une valeur de t plus élevée. Les logiciels statistiques précisent automatiquement le niveau de signification de t (Greene & D’Oliveira 2000: 128-130). Celui-ci peut être identifié également à partir de tableaux statistiques, qui indiquent les valeurs à partir desquelles le rapport t devient significatif.

Comme au point précédent, l’analyse a considéré la durée moyenne par minute, aussi bien de toutes les pauses ensemble (pauses pleines + vides en anglais vs. en italien) que des pauses vides et pleines séparément (pauses pleines en anglais vs. pauses pleines en italien ; pauses vides en anglais vs. pauses vides en italien).

L’analyse des corrélations permet éventuellement d’identifier soit les liaisons directes entre les degrés de variabilité de différents paramètres (ex., pauses pleines en anglais et en italien), soit les rapports inverses (ex., augmentation des pauses pleines et diminution des pauses vides dans la même langue). Bien que ces corrélations ne soient pas directement pertinentes aux hypothèses qui font l’objet de l’étude, il paraît intéressant de les examiner. D’éventuelles tendances identifiées par ce type d’analyse, essentiellement exploratoire, permettent parfois de réorienter la perspective de la recherche par rapport aux objectifs initiaux, et de formuler des hypothèses en vue d’études ultérieures.

Pour toutes les paires soumises aux tests t, l’analyse statistique a porté également sur les coefficients de corrélation entre les quatre catégories de pauses (pauses pleines et vides pour chaque langue). La démarche a été basée sur le coefficient de corrélation de Pearson. Pour l’échantillon entier et pour chaque groupe séparément, les corrélations suivantes ont été considérées: pauses en italien et en angais, sans distinction entre les pauses pleines et vides ; pauses pleines et vides, considérées séparément, en italien et en anglais. Les corrélations entre les pauses vides et pleines ont été analysées également dans chaque langue (c’est à dire, pour les paires « pauses vides/ pauses pleines en anglais » et « pauses vides/ pauses pleines en italien »).

Le coefficient de corrélation indique la « force » du rapport linéaire entre deux variables, en ce sens qu’il permet « de mesurer […] l’intensité de la liaison entre les variables » (Vessereau 1947: 104). Aux deux extrémités de l’intervalle des valeurs possibles (à savoir, -1 et +1), le coefficient indique une variation fonctionnelle linéaire, le sens de la variation étant inverse dans le premier cas et identique dans le deuxième. Une corrélation de 0 indique qu’il n’y a pas de liaison fonctionnelle linéaire entre les variables, c’est à dire qu’elles sont indépendantes l’une de l’autre.

Soit, dans un échantillon donné, un coefficient de corrélation égal à 0 entre les pauses en anglais et en italien. Cela indique l’indépendance totale des deux variables, en ce sens que les valeurs de l’une ne permettent pas d’estimer celles de l’autre. La liaison entre les deux est lâche, voire inexistante. En revanche, un coefficient de -1 ou de +1 permet d’estimer, à partir de la tendance d’une variable, celle de l’autre. En l’occurrence, un coefficient de -1 signifie que plus la durée des pauses est élevée dans une langue, moins elle l’est dans l’autre ; au contraire, un coefficient de +1 signifie que plus la durée est élevée dans une langue, plus elle l’est dans l’autre également.

Les tests t et les corrélations Pearson ont été appliqués d’abord à l’échantillon entier (45 sujets) et, par la suite, à chacun des trois groupes séparément (étudiants de 3e et de 4e année, interprètes professionnels).