3.2 Le pourcentage de pauses longues en fonction de la langue d’expression

Les pourcentages des pauses longues (> 2 sec.) ont été examinés en fonction de la langue d’expression. Dans ce but, ils ont fait l’objet de tests tsur échantillons appariés. Nous avons comparé les pourcentages, en anglais et en italien, dans neuf paires: pauses pleines et vides, considérées soit ensemble soit séparément, chez les étudiants débutants, les étudiants avancés et les interprètes professionnels.

Le tableau 19 indique les paires pour lesquelles l’analyse identifie une différence significative.


échantillon

paire

t
sig. (à 1 q.)
étudiants 3e année pauses anglais -
pauses italien

1,536

0,074
pauses pleines anglais -
pauses pleines italien

2,592

0,011
pauses vides anglais -
pauses pleines italien

- 1,490

0,079
étudiants 4e année pauses anglais -
pauses italien

1,389

0,093
pauses pleines anglais -
pauses pleines italien

1,754

0,051
interprètes professionnels pauses vides anglais -
pauses vides italien

1,868

0,042

Dans toutes les paires, les deux langues sont citées dans le même ordre (l’anglais d’abord et l’italien ensuite). Ainsi, l’absence de signe devant le rapport t(par ex., « pauses anglais - pauses italien »: t = 1,536) indique que la classe d’explication concernée a une fréquence plus élevée en anglais. Dans un seul cas ( « pauses vides anglais - pauses vides italien »: t = - 1,490), le signe devant le rapport test négatif. Cela indique que la classe concernée est plus fréquente en italien. Les paires pour lesquelles il n’y a pas de différence significative (c’est-à-dire, pauses vides chez les étudiants de 4e année ; pauses pleines et vides ensemble, et pauses pleines séparément, chez les interprètes professionnels) n’ont pas été incluses dans le tableau.

Ces résultats ne permettent pas d’identifier une tendance claire. Sur neuf paires, on voit les différences suivantes:

  • 5 fois: pourcentage de pauses longues significativement plus élevé en anglais ;
  • 1 fois: pourcentage de pauses longues significativement plus élevé en italien ;
  • 3 fois: pourcentage de pauses longues pas significativement différent en anglais et en italien.

D’ailleurs, si on considère séparément chaque niveau de formation/expérience, aucun groupe ne montre une tendance univoque dans les trois comparaisons. Chez les étudiants débutants d’une part, et chez les étudiants avancés d’autre part, le pourcentage des pauses longues est significativement plus élevé en anglais dans deux comparaisons sur trois ; il en est de même, chez les interprètes professionnels, dans une comparaison sur trois.

Dans l’évaluation de notre hypothèse sur la durée des pauses en fonction de la langue d’expression (voir section 3.3), il faudra tenir compte de ce manque.

Nous avons déjà remarqué (ch. 2, section 4) que les pauses de plusieurs secondes ne tiennent probablement pas à des processus purement langagiers (Towell, Hawkins et Bazergui 1996: 91 ; Onnis 1999: 55-56), et que les recherches sur les pauses situent parfois autour de 3 secondes la durée maximum des pauses vides pertinentes à l’analyse des hésitations. Si les pauses particulièrement longues reflètent effectivement des problèmes non linguistiques (ex., résolution de doutes logiques), il est probable qu’elles ont une fréquence comparable en A et en B, ce qui tendrait à rapprocher les pourcentages de pauses de > 2 sec. dans les deux langues. Dans ce cas-là, ce paramètre ne suivrait pas la même tendance que la durée moyenne des pauses par minute, qui diffère nettement en fonction de la langue d’expression.

Dans l’ensemble, le caractère hétérogène des données en matière de pauses longues suggère les commentaires suivants. Quand le pourcentage des pauses longues est plus ou moins égal dans les deux langues, il y a au moins deux explications possibles: (i) les pauses en question relèvent surtout de facteurs non linguistiques ; (ii) les sujets recourent à des stratégies qui leur permettent de s’exprimer avec un degré d’aisance comparable en A et B. Quand la proportion des pauses longues est plus élevée en anglais, cela tient probablement aux difficultés d’expression en B. Quand elle est plus élevée en italien, les sujets concernés ont probablement du mal à gérer des difficultés conceptuelles ou logiques dans le discours de départ. Cette dernière remarque sera approfondie par la suite (voir sections 4.2 et 4.6).