5. RÉsumÉ gÉnÉral des rÉsultats

Les résultats de l’étude peuvent être résumés de la façon suivante:

  1. l’analyse renforce en partie notre première hypothèse. La durée moyenne par minute des pauses est significativement plus courte chez les interprètes professionnels que chez les étudiants débutants (voir section 2.1). Le pourcentage de pauses longues (d’au moins 2 sec.), calculé sur la durée totale des pauses, tend lui aussi à être significativement plus bas chez les interprètes professionnels que chez les étudiants débutants (voir section 2.2). Aussi bien en italien qu’en anglais, la durée moyenne des pauses est donc caractérisée généralement par un écart significatif entre les débutants et les interprètes chevronnés. En revanche, l’évolution n’est pas significative à tous les niveaux considérés. Elle semble effectivement se manifester de façon trop graduelle pour que la durée des pauses soit significativement plus basse chez les étudiants avancés, par rapport aux étudiants débutants. Les résultats suggèrent que l’acquisition et la consolidation des compétences se manifestent à moyen ou à long terme. Si on considère la durée des pauses en tant qu’indice de l’aisance du débit, ce paramètre ne diffère de façon significative ni entre les étudiants débutants et avancés ni entre ces derniers et les interprètes professionnels ;
  2. les résultats viennent à l’appui de notre deuxième hypothèse. La durée des pauses est effectivement plus élevée en langue B (anglais) qu’en langue A (italien). La différence inter-langues se manifeste aussi bien pour l’ensemble du présent échantillon que pour chacun des trois groupes séparément (voir section 3.1). En ce qui concerne le pourcentage de pauses longues (> 2 sec.), calculé sur la durée totale des pauses, la comparaison entre l’anglais et l’italien n’identifie pas de tendance nette et univoque (voir section 3.2). L’écart entre les deux langues n’est significatif que dans six paires sur neuf: le pourcentage de pauses longues est significativement plus élevé en anglais dans cinq cas, et en italien dans un cas. Si on considère séparément chaque niveau de formation/expérience, aucun groupe ne montre une tendance claire dans les trois comparaisons (toutes pauses, pauses pleines, pauses vides). Ainsi, les pourcentages des pauses longues ne renforcent ni n’infirment pas notre deuxième hypothèse ;
  3. selon notre troisième hypothèse, la différence entre la durée des pauses en A et en B diminue progressivement, au fil de la formation et de l’expérience. Chez le groupe des interprètes chevronnés, cette différence est effectivement moindre que chez les étudiants. Pourtant, les résultats ne démontrent pas qu’il s’agit d’une tendance nette et systématique.Par exemple, en ce qui concerne la durée des pauses pleines, l’écart entre l’anglais et l’italien est plus faible chez les étudiants débutants que chez les étudiants avancés et les interprètes professionnels (section 3.1). Le postulat que les pauses pleines reflètent généralement des « crises de production » est controversé. Si on l’accepte, il paraît à première vue surprenant qu’elles aient plus ou moins la même durée dans les deux langues que chez les débutants. L’explication probable est le perfectionnement des compétences extra-linguistiques (ex., emploi des notes), qui fait que la gestion de la production linguistique prend progressivement un relief plus grand et que les problèmes d’expression ne persistent de façon marquée qu’en langue B. Une telle explication est compatible avec les observations sur la quatrième hypothèse, au point suivant. L’analyse des coefficients de corrélation suggère une certaine ressemblance du « profil » distributionnel des pauses dans les deux langues. Cette observation pourrait faire l’objet d’études ultérieures ;
  4. selon notre quatrième hypothèse, les problèmes perçus comme non linguistiques (gestion des notes, doutes logiques) deviennent proportionnellement moins fréquents en proportion, par rapport à l’ensemble des problèmes, au fil de l’apprentissage et de l’expérience. Dans l’ensemble, les résultats de l’étude ne démontrent pas cette proposition. La tendance la plus significative qui se manifeste au fil des années est la diminution dans la perception des problèmes d’expression. Bien que cette tendance se manifeste dans les deux langues (voir section 4.4, tableau 30), elle est plus nette en italien. Nous avons déjà remarqué, au point précédent, que le perfectionnement des compétences extra-linguistiques (ex., gestion des notes) met probablement en relief les différents niveaux de maîtrise linguistique en A et B. D’ailleurs, cela va dans le même sens que notre cinquième hypothèse, examinée au point suivant. Enfin, les pauses « inexpliquées » sont plus fréquentes chez les interprètes professionnels que chez les étudiants de 4e année, dans les deux langues considérées ensemble et en italien ;
  5. notre cinquième hypothèse concerne la fréquence de la perception des problèmes d’expression selon la langue d’expression (voir section 4.7). En particulier, nous avons supposé que les sujets perçoivent davantage de problèmes linguistiques en B qu'en A. Les résultats ne corroborent pas l’hypothèse, en ce sens que la perception des problèmes d’expression n’est significativement plus fréquente en anglais que chez les étudiants de troisième année. En revanche, la perception des problèmes extra-linguistiques (notes, logique) tend à être plus fréquente en italien, à tous les niveaux de formation/expérience considérés.