Trois types d’inférences pour maintenir la cohérence locale

Pour maintenir la cohérence entre les états ou les événements du texte, le lecteur peut produire trois types d’inférences : des inférences rétrogrades, des inférences simultanées et des inférences antérogrades (Trabasso & Magliano, 1996). van den Broek, Fletcher et Risden (1993) comparent les inférences rétrogrades à des explications, les inférences simultanées à des associations, et les inférences antérogrades à des prédictions. Pour produire ces inférences, les informations disponibles en mémoire de travail proviennent, soit des connaissances du lecteur sur le monde, soit d’une représentation initiale du texte ou d’inférences initiales.

• Les explications sont des inférences de liaison qui permettent de connecter un état ou un événement focal (celui qui vient d’être lu) à un état ou à un événement antérieur (ou à plusieurs). Le lecteur éprouve le besoin de connaître les causes et les raisons d’événements (Anderson, 1976) et tente de déterminer ’pourquoi’ quelque chose apparaît (Graesser, Bertus, & Magliano, 1995). Les explications identifient donc les conditions qui sont nécessaires à l’occurence de tous les constituants d’un épisode (i.e., états, événements ou actions). Trabasso et Magliano (1996) ont montré que le raisonnement explicatif était un moyen important d’atteindre la cohérence locale et que les lecteurs généraient essentiellement des explications basées sur des buts. Deux types de contraintes agissent sur la production d’inférences rétrogrades : les critères nécessaires à la relation causale, et la disponibilité de l’information en mémoire. Un lecteur lit un état (ou événement) B, et essaie de le relier à l’état (ou événement) A lu précédemment. Ainsi, si A satisfait les critères d’une relation de causalité, le processus s’arrête ; si A ne remplit pas les critères, il y a une rupture de la cohérence. Deux solutions peuvent se présenter. Le lecteur peut rechercher un état (ou événement) dans la représentation initiale du texte qui puisse satisfaire aux relations causales. Cette recherche se termine lorsque le lecteur a réinstauré l’état (ou événement) qui fournit l’information manquante. Le lecteur peut construire une élaboration relative à un état (ou événement) non explicité dans le texte qui donne l’information manquante. Cette élaboration doit être compatible avec l’information textuelle stockée en mémoire, et dépend des connaissances du lecteur sur les états ou événements évoqués par le texte et sur la causalité en général.

• Les prédictions permettent d’établir une relation causale entre un état (ou un événement) focal, et un état (ou un événement) ultérieur que le lecteur anticipe. Les prédictions sont assimilées à des hypothèses sur les conséquences causales d’un événement focal, et sont formulées sur la base de la représentation initiale du texte ainsi que sur l’information contenue dans la phrase-cible. Lorsqu’une prédiction est confirmée par la lecture du texte ultérieur, elle est instanciée et utilisée comme une fonction intégrative entre deux phrases du texte. Des études ont montré que si les prédictions ne sont pas requises pour la compréhension, elles sont toutefois générées lorsqu’elles sont causalement contraintes par le contexte de l’histoire, pour résoudre une rupture de cohérence par exemple (Murray, Klin, & Myers, 1993).

• Les associations enrichissent le contenu de la représentation initiale du texte, en apportant des spécifications de procédures, des détails sur les traits, les propriétés, les relations, et sur les fonctions de personnes, d’objets ou de concepts. L’hypothèse selon laquelle les inférences associatives sont générées automatiquement (on-line) durant la lecture normale n’est pas confirmée (Magliano & Graesser, 1991).