1.2. L’intervention des connaissances des lecteurs dans la compréhension du texte

Kintsch et van Dijk (1978) évoquent la nécessité d’étendre leur modèle de traitement du texte par l’introduction de la notion de ’faits’ qui représentent des unités d’information d’ordre supérieur (états, événements et actions). Leur objectif est de montrer comment les propositions des micro- et macrostructures sont organisées du point de vue des relations entre les faits qu’elles dénotent. Les faits sont reliés entre eux par des relations temporelles ou de présupposition, et ont une structure interne propre, plus complexe que celle des propositions, qui assigne des rôles spécifiques aux concepts, propositions et autres faits. L’organisation de la base de texte en faits permettrait l’obtention d’un niveau de représentation qui correspondrait à un cadre de connaissances stocké en mémoire à long-terme (van Dijk, 1977). Selon van Dijk (1977), un cadre de connaissances est un réseau conceptuel comportant des pointeurs dirigés vers d’autres cadres, et dont le rôle est de définir des unités ou des groupes de concepts qui sont typiquement reliés. Un tel cadre serait nécessaire pour rendre compte d’une compréhension complète, puisque, par exemple, il participerait à la production on-line des inférences qui permettent de fournir, par un processus de complètement, l’information manquante dans la base de texte.

Ainsi, afin de définir la compréhension comme le résultat d’une interaction entre les connaissances du lecteur et le texte, van Dijk et Kintsch (1983) introduisent la notion de ’modèle de situation’ qui est envisagé comme un niveau de représentation plus riche et plus complexe que la base de texte. En effet, il intègre les connaissances, générales et spécifiques, mises en oeuvre par le sujet au cours de la lecture. La notion de modèle de situation est une notion centrale dans nos travaux, puisque c’est à partir d’un modèle de situation que le lecteur peut, sur la base des informations données dans le texte, réaliser des activités complexes telles que acquérir de nouvelles connaissances. Pour décrire la façon dont les connaissances du lecteur interviennent au cours de la construction de la représentation mentale du texte, deux modèles théoriques ont été proposés qui ont guidé notre travail : le modèle de Construction-Intégration proposé par Kintsch (1988, 1998), et le modèle Landscape proposé par van den Broek et collaborateurs (1996). Ce sont des modèles qui reprennent les principes de base du connexionnisme et qui considèrent que la mise en jeu des connaissances, formalisées à l’aide de réseaux associatifs reliant des unités de nature propositionnelle, est partie intégrante du traitement lui-même. Ces deux modèles ont le point commun de considérer les connaissances, non pas comme stockées de façon permanente dans des structures rigides (e.g., les schémas), mais générées sous la forme de patterns d’activation dans le contexte de la tâche pour laquelle elles sont requises.