Trois types de modèles de situation (Zwaan & Radvansky, 1998)

Le modèle de situation est incrémentatif (Garnham & Oakhill, 1993) : il est élaboré dès le début de la lecture, puis est progressivement enrichi et modifié par les informations subséquentes du texte et les inférences que le lecteur génère au cours de la lecture. Les auteurs soulignent que le modèle de situation formé à un moment donné de la lecture a pour fonction de guider l’intégration des informations nouvelles du texte.

Dans le cas où le lecteur est expert dans le domaine représenté par le texte, son modèle initial qui est contenu en mémoire à long-terme est activé, puis se différencie par l’intégration des informations nouvelles du texte, ou se restructure après avoir été réévalué lorsque les informations du texte ne lui sont pas congruentes. Dans le cas où le lecteur n’a pas (ou peu) de connaissances sur le thème développé, un nouveau modèle est initialisé. Selon Cavazza (1993), cette initialisation comporterait deux phases. La première consisterait à mettre en scène les objets explicitement décrits dans le texte, tandis que la seconde simulerait les conséquences des événements sur les objets.

Zwaan et Radvansky (1998) distinguent trois types de modèles de situation, qui sont élaborés durant la lecture :

  • Le modèle actuel (the current model) qui est le modèle que le sujet forme à l’instant tn au moment où il est en train de lire la proposition cn, et qui est comparable au focus explicite décrit par Sanford et Garrod (1981) ;

  • Le modèle intégré (the integrated model) qui est le modèle global, élaboré par intégration entre l’instant tn correspondant à la lecture de la proposition cn, et l’instant tn-1 correspondant à la lecture de la proposition cn-1. Il est comparable au focus implicite (Sanford & Garrod, 1981) qui contient une représentation localement cohérente des aspects pertinents de la situation décrits dans les phrases précédentes du texte. La mise à jour du modèle intégré est donc effectuée à chaque lecture d’une nouvelle proposition : elle consiste à faire correspondre les contenus des focus explicite et implicite, c’est-à-dire à former des liens entre le modèle actuel et les éléments récupérés en mémoire de travail du modèle intégré. Un événement qui est actuellement traité peut donc être connecté à des éléments multiples dans le modèle intégré. En conséquence, la facilité de traitement du texte est fonction du nombre d’indices (situationnels) partagés entre l’événement du focus explicite et l’état actuel du modèle de situation. Par ailleurs, si l’une des entités de la situation change durant éla lecture (e.g., un nouveau personnage est introduit dans la situation), le traitement du texte est ralenti, ce qui peut se traduire soit par la mise à jour du modèle intégré, soit par la construction d’un nouveau modèle de situation. Ainsi, Radvansky (1992) (cité par Zwaan et Radvansky, 1998) a montré que des informations sur différents objets localisés dans un lieu identique étaient intégrés dans un même modèle, car ils référaient à une situation commune. En revanche, des informations sur un même objet situé dans des endroits différents étaient stockés dans des modèles de situation séparés. Radvansky (1992) conclut alors que des faits mémorisés sont plus facilement récupérables s’ils sont intégrés dans un même et unique modèle de situation.

  • Le modèle complet (the complete model) qui est le modèle stocké en mémoire permanente une fois que l’ensemble de ’l’input’ textuel ait été traité. Le modèle complet n’est pas nécessairement le modèle final : les lecteurs peuvent ’ruminer’ le texte après la lecture, et générer des inférences additionnelles voire développer un modèle complètement nouveau.