Représentation compartimentalisée versus représentation intégrée en mémoire

La distinction expérimentale entre la base de texte et le modèle de situation peut être rapprochée de la distinction faite par Potts (Potts & Peterson, 1985 ; Potts, St. John, & Kirson, 1989) entre une information compartimentalisée et une information incorporée. Potts se base sur un modèle en réseau de la mémoire (i.e., le modèle ACT d’Anderson, 1983) pour rendre compte de l’existence de deux types d’apprentissage : l’apprentissage mécanique, et l’apprentissage significatif. L’apprentissage est mécanique, lorsque les informations mémorisées sont compartimentalisées, c’est-à-dire organisées en une sous-structure unique et isolée du réseau de connaissances en mémoire à long-terme. Dans le modèle en réseau de la mémoire, cette séparation structurale se manifesterait par la construction de nombreux liens directs entre les informations nouvellement apprises (i.e., liens internes), et peu de liens entre les informations nouvelles et les connaissances initiales (i.e., liens externes). En d’autres termes, le poids des liens internes serait plus important que celui des liens externes. Selon Potts, compartimentaliser les informations apprises en une unité cohérente et indépendante, correspond à une stratégie mnésique : elle restreint la recherche de ces informations en mémoire (focalisation de la diffusion de l’activation dans le réseau), et facilite par là-même leur récupération au cours de tâches qui ne requièrent que l’accès à une portion limitée de ces informations (e.g., rappel, reconnaissance) et dont le contexte est identique à celui de l’apprentissage. Une telle stratégie implique toutefois de sérieuses limitations quant à l’accessibilité et l’utilisation des connaissances nouvelles pour résoudre des problèmes différents. Les informations compartimentalisées ne sont donc mémorisées que pour une durée limitée, et ne sont applicables que dans un champ particulier. Ainsi, nous pouvons supposer que la base de texte correspondrait à un niveau de compartimentalisation des informations textuelles en mémoire à long-terme, ce qui expliquerait pourquoi la trace mnésique de la base de texte qui est relativement importante au rappel immédiat décroît rapidement avec le délai (Cf. Kintsch, Welsch, Schmalhofer, & Zimny, 1990).

En revanche, l’apprentissage est significatif, lorsque les informations apprises sont directement incorporées au réseau de connaissances en mémoire permanente. Dans le modèle en réseau de la mémoire, l’incorporation se manifesterait par la création de nombreux liens directs entre les informations mémorisées et les connaissances initiales en mémoire à long-terme ; il n’y aurait donc pas de séparation structurale entre ces deux groupes de concepts. En d’autres termes, les poids des connexions internes et externes seraient équivalents. Pour Potts, si l’incorporation des informations apprises ne facilite pas leur récupération dans des tâches purement mnésiques, elle permet leur utilisation à long-terme dans une variété de situations différentes du contexte d’apprentissage. Ainsi, nous supposons que le modèle de situation correspondrait au niveau d’incorporation des informations textuelles en mémoire à long-terme, ce qui expliquerait pourquoi la trace mnésique du modèle de situation reste élevée quel que soit le délai (Cf., Kintsch & al., 1990).