Les travaux de Ballstaedt et Mandl (1985)

Ballstaedt et Mandl (1985) ont utilisé une technique comparable à la tâche classique d’association de mots (Heidelberger-Struktur-Lege-Technik) pour rendre compte de la façon dont la compréhension d’un texte explicatif (sur les volcans) pouvait modifier les structures cognitives d’experts et de novices dans le domaine abordé par le texte. Cette méthode était administrée d’une part, avant la lecture pour évaluer la structure cognitive initiale des deux groupes d’expertise, et d’autre part, à l’issue de la lecture pour mettre en évidence l’effet du processus de construction de concepts (la socialisation cognitive) à l’oeuvre durant l’apprentissage à partir du texte.

Durant l’épreuve, le participant recevait une boîte contenant deux catégories de cartes : [1] des cartes vides sur lesquelles il pouvait inscrire des concepts relatifs au domaine, et [2] des cartes sur lesquelles étaient spécifiées différentes relations entre les concepts. Les auteurs ont distingué deux types de relations : des relations intra-concepts (identité, inclusion, propriété), et des relations inter-concepts (dépendance mutuelle soit positive, soit négative, interaction). La carte avec le concept central (les volcans) était posée sur la table : le participant devait alors penser à tout ce qu’il connaissait sur ce concept, ainsi qu’à la façon dont il pouvait le décrire. Les concepts mentionnés par le sujet étaient inscrits sur les cartes vides. Une fois tous les concepts évoqués, le sujet les reliait les uns aux autres à l’aide des cartes de liaison. Le rôle de l’expérimentateur n’était pas directif : il verbalisait les activités de formation de la structure mises en oeuvre par le sujet, et stimulait les modifications (ou confirmations) de la structure sans interférer sur le processus de construction. La passation de l’expérience se terminait lorsque le participant considérait que la structure qu’il avait formée correspondait à une représentation adéquate de ses connaissances.

Avant la lecture du texte, les résultats ont montré que les novices produisaient 13 concepts (renvoyant à une conception naïve et prototypique du domaine abordé) contre 71 concepts pour les experts. De plus, les novices ont utilisé essentiellement des cartes spécifiant des relations intra-concepts, tandis que la structure cognitive des experts était plus complexe car elle contenait des relations inter-concepts (des interactions). A l’issue de la lecture, les résultats ont montré que les novices produisaient 38 nouveaux concepts contre 33 concepts pour les experts. Il semble donc que la probabilité d’apprentissage à partir d’un texte soit plus importante pour les novices que pour les experts. En revanche,

la variabilité entre les proportions de concepts fournis avant et après la lecture (calculée en appliquant le coefficient r de corrélation) était plus importante pour les experts que pour les novices. Plus précisément, pour les experts, la variabilité la plus élevée a été observée pour les relations inter-concepts. Enfin, deux processus d’apprentissage ont pu être mis en évidence. D’une part, un processus de différenciation qui consiste en l’ajout de concepts individuels (ou de groupes de concepts) sans entraîner la modification de la structure initiale ; le nombre de concepts nouveaux inclus dans la structure rend compte de l’intervention d’un tel processus. D’autre part, un processus de restructuration au cours duquel l’introduction de concepts nouveaux implique la réorganisation partielle ou totale de la structure initiale ; le nombre de concepts nouveaux impliqués dans cette réorganisation rend compte de la mise en oeuvre d’un tel processus. Alors que Ballstaedt et Mandl (1985) ont prédit que le processus de restructuration interviendrait de façon plus prégnante chez les novices que chez les experts, les résultats ont toutefois montré que les deux groupes d’expertise ne se différenciaient pas quant à la mise en oeuvre de l’un ou l’autre de ces deux processus.