Quelques applications de l’algorithme Pathfinder (Schvaneveldt, Durso, & Dearholt, 1985)

Goldsmith, Johnson et Acton (1991) ont utilisé l’algorithme Pathfinder (Schvaneveldt, Durso, & Dearholt, 1985) dans le cadre d’une étude dont le but était d’observer si des étudiants avec des structures de connaissances similaires sur un domaine particulier (la psychologie) avaient des performances comparables à des examens sur le domaine. Les auteurs ont fait l’hypothèse selon laquelle l’accroissement de l’expertise sur un domaine devrait contraindre la façon dont les concepts spécifiques au domaine sont organisés en mémoire. Précisément, ils ont prédit que les structures de connaissances d’étudiants avec des performances élevées à des examens sur le domaine étudié, devraient être davantage similaires les unes aux autres que celles d’étudiants avec de faibles performances.

Le domaine considéré portait sur la méthodologie expérimentale en psychologie et était l’objet d’un cours de 16 semaines. Une présélection de concepts sur le domaine a été réalisée par le professeur chargé du cours, puis révisée sur la base de suggestions d’autres professeurs. Trente concepts ont été finalement retenus pour former 435 paires de concepts [(30*29)/2]. Parmi les étudiants qui suivaient le cours de Psychologie, 40 ont participé volontairement à cette expérience. La tâche de comparaison de concepts leur a été proposée tous les 1er et 15 du mois, et ce pendant les 6 mois au cours desquels le cours a eu lieu. Les sujets devaient donc évaluer la relation formée par chaque paire de concepts, à partir d’une échelle constituée de 7 points, le point 1 correspondant à la proposition ’sont les moins reliés’ et le point 7 correspondant à la proposition ’sont les plus reliés’. Le professeur chargé du cours a également effectué cette épreuve, afin de constituer une structure de référence. Enfin, l’apprentissage à partir du cours a été testé à l’aide d’épreuves écrites.

Les évaluations obtenues pour chaque paire de concepts ont été converties en données de proximité à partir desquelles les réseaux Pathfinder ont pu être dérivés. Pour comparer les réseaux de chaque étudiant et celui de leur professeur, deux méthodes ont été utilisées. D’une part, le calcul des corrélations (coefficients r de Bravais-Pearson) entre les distances qui séparent les paires de concepts communes aux deux réseaux (i.e., celui de l’étudiant et celui du professeur). D’autre part, la mesure de l’indice C de similarité structurale entre les deux réseaux (Goldsmith & Davenport, 1991) à partir de l’algorithme Pathfinder (Cf. figure 5).

message URL FIG05.gif
FIGURE 5. Les similarités structurales entre les réseaux Pathfinder 1, 2 et 3 obtenues à partir de la mesure C et du coefficient r de corrélation. (Si l’on tient compte du coefficient r, ce sont les réseaux 1 et 2 qui sont les plus similaires, tandis que si l’on tient compte de la valeur C, ce sont les réseaux 1 et 3 qui sont les plus similaires)

La figure 5 présentée ci-dessus est une illustration de l’application de la mesure C. La similarité structurale entre les réseaux 1 et 2 d’une part, et les réseaux 1 et 3 d’autre part, a été évaluée à la fois par la mesure C et par le coefficient de corrélation r. Nous pouvons constater que la mesure C appréhende des propriétés de la similarité différentes de celles qui sont considérées par l’approche corrélationnelle (Goldsmith & al., 1991)

Les résultats obtenus à cette expérience ont montré d’abord que la valeur C était un meilleur indice de similarité entre les réseaux que le coefficient r de corrélation. De plus, conformément à leur principale prédiction, Goldsmith et collaborateurs (1991) ont observé une relation entre la représentation conceptuelle et le niveau de performance. En effet, les étudiants avec de fortes performances aux examens sur le domaine étudié présentaient des structures de connaissances plus similaires les unes aux autres que celles des étudiants avec de faibles performances. Ce résultat confirme l’hypothèse selon laquelle l’organisation des connaissances des novices dans un domaine est d’abord non spécifique en mémoire, puis tend à se rapprocher de la structure dite ’experte’ au fur et à mesure de l’apprentissage. Ce résultat va également dans le sens de ce que Gonzalvo, Canas et Bajo (1994) ont observé. Ces derniers ont démontré, à l’aide d’un protocole proche de celui utilisé par Goldsmith et collaborateurs (1991), que l’organisation des réseaux des novices commence à se focaliser autour d’un nombre restreint de concepts à l’issue d’une deuxième phase d’apprentissage. De tels points d’ancrage correspondraient aux concepts superordonnés autour desquels les réseaux des experts sont structurés.

Pour expliquer une telle évolution des structures de connaissances, Goldsmith et collaborateurs (1991) ont évoqué les deux interprétations proposées par Vosniadou (1987), à savoir [1] la restructuration faible, et [2] la restructuration radicale. Selon l’hypothèse de la restructuration faible (Chi, Feltovich, & Glaser, 1981), comparés aux débutants, non seulement les experts représenteraient plus de relations entre les concepts (voire plus de relations différentes), mais également organiseraient davantage leurs connaissances sous la forme de schémas relationnels abstraits. En revanche, selon l’hypothèse de la restructuration radicale, les débutants n’auraient pas simplement une base de connaissances appauvrie comparée à celle des experts ; ils disposeraient tout simplement d’une théorie différente (Vosniadou, 1987). Les performances des débutants ne seraient pas limitées par une absence de théorie s’organisant sous la forme de schémas ; leurs performances seraient faibles plutôt parce qu’ils auraient une théorie fausse. Les résultats obtenus par Goldsmith et collaborateurs (1991) viendraient donc soutenir l’idée selon laquelle les débutants auraient des théories différentes avec le seul point commun d’être fausses.