2.2.1.c La tâche de classification de concepts

Les travaux de Naveh-Benjamin, McKeachie, Lin et Tucker (1986)

Naveh-Benjamin, McKeachie, Lin et Tucker (1986) ont testé la capacité d’une tâche de classement vertical de concepts relatifs à un domaine (la gérontologie), à rendre compte sous la forme d’arbres ordonnés de l’organisation mnésique des informations acquises par des étudiants à partir d’un cours sur ce domaine.

Cette méthode d’évaluation et de représentation des connaissances (’the ordered tree technique’) a été dérivée de la tâche de rappels sériels de Reitman et Rueter (1980), et repose sur deux hypothèses fondamentales. D’une part, les connaissances seraient organisées de façon hiérarchique à l’intérieur de groupements (chunks) correspondant chacun à une partie cohérente de la structure cognitive. D’autre part, les sujets devraient rappeler l’ensemble des concepts d’un même groupement avant de récupérer ceux du groupement suivant. Ainsi, cette méthode permet d’apporter des informations sur :

  • La quantité d’organisation dans une structure cognitive donnée. Elle correspond au degré avec lequel les connaissances ont tendance, soit à se distinguer les unes des autres, soit à constituer des groupements. La quantité d’ se mesure en calculant le nombre d’ordres possibles dans lesquels les mots d’une liste peuvent être classés. Ce nombre est élevé dans le cas d’un classement aléatoire à chaque essai, et faible dans le cas où les mots sont regroupés dans le même ordre à chaque essai. D’une façon générale, plus petit est le nombre d’ordres possibles, et plus fortement organisée est la structure cognitive du sujet ;

  • La profondeur hiérarchique d’une structure cognitive donnée. Elle correspond au degré avec lequel des concepts d’un niveau hiérarchique donné sont reliés à des concepts superordonnés (i.e., plus généraux). Elle se mesure en calculant le nombre moyen de noeuds entre les items initial et final du classement. Ainsi, plus importante est la profondeur hiérarchique, et plus fortement organisée est la structure cognitive du sujet ;

  • L’ordre de classement des items de la liste (ou d’un groupement de la liste). L’ordre de classement des concepts peut apporter des informations sur la façon dont les sujets parcourent leur structure cognitive. Un groupement peut être défini comme étant, soit unidirectionnel lorsque l’ordre du classement produit par le sujet se fait toujours du concept A vers le concept B vers le concept C, soit bidirectionnel lorsque l’ordre du classement se fait du concept A vers le concept B vers le concept C ou du concept C vers le concept B vers le concept A. Il peut être également non-directionnel lorsqu’il n’y a pas d’ordre cohérent entre les concepts classés;

  • La quantité de similarité entre deux structures cognitives. Cette quantité de similarité est mesurée en divisant le nombre de groupements en commun dans les deux arbres par la somme totale des groupements dans les deux arbres.

L’expérience de Naveh-Benjamin et collaborateurs (1986) avait deux buts. D’une part, pour chaque étudiant en gérontologie ayant participé à l’expérience, la mesure de sa structure cognitive (représentée en arbre ordonné) a été comparée à ses performances à des tâches classiques d’évaluation des connaissances (questionnaire, rédaction d’essais sur le domaine traité). D’autre part, pour chaque étudiant, la corrélation a été observée entre les mesures de la quantité d’organisation et de la profondeur hiérarchique de sa structure cognitive, et les mesures de la similarité entre sa structure cognitive et celle de l’enseignant (structure de référence).

L’expérience a été proposée aux étudiants au cours du dernier jour de cours sur la gérontologie. Au cours de quatre essais, les étudiants devaient classer verticalement 16 concepts importants, que le professeur a désigné comme étant illustratifs du domaine enseigné. Le classement devait s’effectuer de telle façon que les concepts reliés dans le cours devaient être proches les uns des autres. Dans les premier et dernier essais, les étudiants pouvaient démarrer le classement avec l’un des 16 concepts de leur choix (i.e., essai non indicé), tandis que dans les deuxième et troisième essais, ils devaient débuter le classement par un concept présélectionné par l’expérimentateur (i.e., essai indicé). L’alternance d’essais non-indicés et indicés était censée encourager les étudiants à ne pas produire de classements stéréotypés. Après cette tâche de classement, des questions à choix multiples et des dissertations sur le thème évoqué par le cours ont été proposés, pour évaluer les informations nouvelles acquises à partir du cours.

Les résultats ont montré une corrélation significative entre les mesures de la quantité d’organisation, de la profondeur hiérarchique et de la similarité. De plus, les étudiants dont la structure cognitive était fortement organisée (structure avec un nombre faible d’ordres possibles) ont obtenu de bonnes performances aux épreuves d’évaluation des connaissances, uniquement lorsque leur structure cognitive était similaire à celle de leur professeur. Les étudiants avec une structure fortement organisée mais différente de celle de leur professeur avaient tendance à la répétition et à la stéréotypie : leur structure ne reflétait pas une compréhension conceptuelle du cours (Naveh-Benjamin & al., 1986). Les étudiants dont la structure possédait un nombre important de groupements (souvent des groupements uni- et bidirectionnels) ont mieux réussi que ceux dont la structure présentait un nombre faible de groupements (souvent des groupements non-directionnels).