2.3. Synthèse : Structures de connaissances d’experts et de débutants dans un domaine, et accroissement de l’expertise

Les études expérimentales que nous avons décrites dans le cadre de la présentation des différentes méthodes d’évaluation des connaissances en mémoire, ont été menées dans le but d’une part, d’étudier les différences entre les structures de connaissances de sujets de niveaux d’expertise différents, et d’autre part, de rendre compte des processus qui sont sous-jacents à l’apprentissage, c’est-à-dire à l’accroissement de l’expertise. Nous avons choisi de faire une synthèse, sous la forme d’un schéma récapitulatif (Cf. figure 6), des observations qui ont été faites dans ces travaux, et sur la base desquelles nous pouvons faire des hypothèses quant à la représentation et l’acquisition de connaissances spécifiques à un domaine scientifique (le neurone) à l’aide d’un texte informatif chez des sujets de niveaux d’expertise différents (experts et débutants).

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FIGURE 6. Synthèse des différences entre les structures de connaissances des sujets débutants et experts dans un domaine de connaissances particulier

A partir de cette synthèse présentées dans la figure 6, nous pouvons émettre des hypothèses quant à la représentation et l’acquisition de connaissances spécifiques à un domaine scientifique (i.e., le neurone) à l’aide d’un texte chez des sujets de niveaux d’expertise différents (experts et débutants). L’apprentissage d’un domaine scientifique qui peut être décrit en un système fonctionnel (Baudet & Denhière, 1991), consisterait d’une part, en la construction des représentations mentales des individus, des états et des événements qui constituent la microstructure du domaine (différenciation du réseau), et d’autre part, en l’organisation de ces représentations en une structure homologue à la structure globale du domaine (restructuration du réseau). La maîtrise de la structure locale du domaine serait donc une condition à la maîtrise de sa structure globale. De plus, nous supposons que, pour comprendre la structure du domaine, la connaissance préalable de ses aspects statiques (les états qui le spécifient) devrait être une condition à la connaissance de ses aspects dynamiques (les événements qui modifient les états du domaine).

Plus précisément, les débutants devraient organiser leurs connaissances de façon linéaire (en une séquence temporo-causale), à l’intérieur d’une seule et même structure qui devrait être homologue à la structure locale du domaine. Durant la lecture d’un texte sur le domaine, les débutants devraient se centrer sur les informations relatives aux états du domaine (i.e., recherche de la constance ; Tapiero, 1992), et les mémoriser de façon linéaire, en une sous-structure unique et compartimentalisée (Potts & Peterson, 1985) en mémoire à long-terme.

En revanche, la structure de connaissances des experts devrait être homologue à la structure globale du domaine. Elle devrait être composée de sous-structures (ou sous-systèmes) représentant chacune, de façon cohérente, un type particulier d’informations sur le domaine, et reliées par des relations en but/sous-buts. Dans chaque sous-structure, les connaissances devraient être organisées sous un mode ’encapsulé’ ; elles devraient se focaliser autour d’un nombre restreint de concepts de haut-niveau (i.e., avec le même pouvoir explicatif), formant alors les points d’ancrage de la représentation. Durant la lecture d’un texte sur le domaine, les experts devraient se focaliser sur les informations relatives aux événements du domaine, et les incorporer directement à leur structure de but/sous-buts en mémoire à long-terme. 

Afin de tester ces hypothèses, nous avons mené deux expériences (expériences 1 et 2) que nous allons présenter dans le cadre du chapitre 3.