3.1.1.b Relation entre les connaissances initiales et la cohérence du texte

Comme nous l’avons déjà précisé, l’objectif de la première expérience était également d’étudier l’effet de l’interaction entre les connaissances initiales et la structure textuelle. L’hypothèse qui sous-tend cette piste de recherche postule qu’une même structure de texte ne peut pas être adaptée à tous les niveaux d’expertise. Les chercheurs s’accordent quant à l’idée selon laquelle la cohérence d’un texte est un facteur déterminant dans la compréhension. Ainsi, différents travaux (e.g., Britton & Gulgoz, 1991 ; McNamara & al, 1996) ont montré que des révisions qui avaient pour fonction de renforcer la cohérence structurale (locale et globale) et explicative d’un texte, entraînaient une augmentation des performances de rappel du texte. Ces révisions consistent généralement en l’ajout d’informations détaillées qui viennent suppléer les lacunes du matériel textuel original, et expliquer les relations causales entre les faits évoqués. Elles consistent également en l’ajout d’indices linguistiques de surface (e.g., référents anaphoriques, synonymes, ou connexions). La faiblesse des études empiriques qui ont démontré un effet bénéfique de la cohérence textuelle sur la compréhension, est de n’avoir utilisé que des mesures de la qualité de la représentation sémantique du texte (e.g., reconnaissance, questions basées sur le texte, rappel reproductif ou résumé). En conséquence, elles n’ont pas pu rendre compte d’un tel effet sur la construction du modèle de situation. Or, Kintsch (1994) a montré que les processus qui sous-tendent la mémorisation d’un texte sont différents de ceux qui sous-tendent l’apprentissage à partir de ce texte. Rendre la compréhension du texte plus facile en augmentant sa cohérence, ne favorise pas toujours l’apprentissage à partir du texte. Ainsi, Mannes et Kintsch (1987), et McDaniel, Blischak et Einstein (1995) ont observé que l’acquisition et le transfert de connaissances pouvaient être améliorés en rendant la tâche du lecteur plus difficile. Par exemple, dans l’expérience de Mannes et Kintsch (1987), les lecteurs apprenaient davantage lorsqu’ils avaient étudié, au préalable, un organisateur initial de connaissances dont la structure était différente de celle du texte d’apprentissage subséquent. Cette condition de non-congruence les aurait encouragés à traiter plus activement le texte subséquent, et à produire des inférences pour relier les informations du texte à celles de l’organisateur initial. Cette constatation a conduit McNamara et collaborateurs (1996) a testé l’hypothèse selon laquelle un texte faiblement cohérent inciterait les lecteurs à produire plus d’inférences sur la base de leurs connaissances initiales pour construire une macrostructure cohérente du texte, et favoriserait donc la construction d’un modèle de situation plus riche. Toutefois, l’effet bénéfique du texte faiblement cohérent ne pourrait être observé que si les lecteurs ont suffisamment de connaissances sur la situation évoquée, et si ces derniers intègrent leurs connaissances aux informations textuelles.

Nous allons présenter l’expérience de McNamara et collaborateurs (1996) sur laquelle nous nous sommes appuyées pour élaborer notre hypothèse quant à l’effet de l’interaction entre les connaissances initiales des lecteurs et la structure temporo-causale du texte scientifique. Les résultats de l’expérience de McNamara (McNamara & al., 1996) confirment l’hypothèse de l’effet bénéfique d’un texte faiblement cohérent sur l’apprentissage par des experts dans le domaine traité, et s’opposent à ceux qui ont été observés par McKeown (McKeown, Beck, Sinatra, & Loxterman, 1992) :