3.1.2 EXPERIENCE 1
Effet d’un domaine scientifique, du niveau d’expertise initial des lecteurs, et de la structure temporo-causale du texte

Cette première expérience portait sur la compréhension et l’apprentissage d’un domaine scientifique particulier – le neurone – par des sujets de niveaux d’expertise différents (i.e., experts et débutants), à l’aide de deux versions d’un même texte qui différaient par leur structure temporo-causale (structurée et non-structurée).

Le domaine de connaissances considéré était relatif au neurone. La formalisation en systèmes (Baudet & Denhière, 1991) nous a permis d’envisager une description du domaine à deux niveaux (i.e., la microstructure et la macrostructure du domaine). La microstructure du domaine correspond à la description du neurone en une unité structurale du système nerveux. Le neurone peut être ainsi décomposable en plusieurs sous-structures anatomiques qui possèdent une organisation spatiale particulière (e.g., membrane, dendrites, axone). La macrostructure du domaine correspond à la description du neurone en une unité fonctionnelle du système nerveux. Ainsi, chaque sous-structure anatomique du neurone est affectée d’une fonction particulière dans le traitement de l’information nerveuse (e.g., les dendrites captent les signaux électriques). De plus, le fonctionnement du neurone peut être décomposé en quatre phases, qui correspondent à quatre phénomènes bioélectriques qui ont pour siège la membrane du neurone : [1] le potentiel de repos, [2] le potentiel d’action, [3] la repolarisation, et [4] la période réfractaire. Les états et les événements qui spécifient chaque phénomène sont reliés par des relations temporelles et causales. Sur la base de cette description en deux niveaux du domaine, nous avons construit deux types de tâches d’évaluation des connaissances des deux niveaux d’expertise (i.e., experts et débutants). D’une part, un questionnaire à choix multiples testait leur représentation mentale de la structure et du fonctionnement du neurone. D’autre part, une tâche de classification de concepts (qui a été inspirée de celle proposée par McNamara et collaborateurs, 1996), était utilisée pour mettre en évidence l’organisation en mémoire des concepts d’individus (i.e., les sous-structures anatomiques), d’états et d’événements relatifs au neurone. Ces deux épreuves ont été proposées, avant et après la lecture du texte scientifique, afin de rendre compte des modifications (quantitatives et qualitatives) de la structure initiale des lecteurs, qui sont considérées comme des indicateurs du modèle de la situation qu’ils ont construit durant la lecture (McNamara & al., 1996). Les données de la tâche de classification de concepts ont été converties en valeurs de proximité (sémantique) entre chaque paire de concepts, puis transformées en réseaux de connaissances à partir de l’algorithme ’Pathfinder’ (Schvaneveldt, Durso, & Dearholt, 1989). Nous nous sommes également appuyées sur la description de la structure du domaine pour déterminer la structure sémantique du texte scientifique. Les états et les événements qui sont relatifs au fonctionnement du neurone étant reliés par des relations temporo-causales, le texte qui les représente doit être caractérisé par une cohérence sémantique causale. Ainsi, nous avons construit deux versions d’un texte se rapportant à la transmission synaptique, qui présentaient les mêmes informations sur la structure et le fonctionnement du neurone, mais qui se différenciaient par leur structure sémantique : une version structurée qui respectait l’enchaînement temporo-causal des états et des événements qu’elle représentait, et une version non-structurée dans laquelle les relations de causalité étaient supprimées et la séquentialité des états et des événements perturbée. Enfin, pour tester la qualité et l’accessibilité du modèle mental de la structure et du fonctionnement du neurone que les lecteurs ont construit durant la lecture du texte scientifique, nous avons proposé une épreuve de vérification d’inférences.