3.2.2.c L’intégration on-line des informations issues des deux sources

Mannes et Hoyes (1996) ont distingué deux types de processus qui peuvent intervenir au cours de la lecture du texte subséquent : [1] un processus de rétablissement , et [2] un processus d’intégration. Le processus de rétablissement consiste à réactiver en mémoire de travail les connaissances qui ont été acquises à partir de l’organisateur initial et qui sont pertinentes pour la compréhension du texte subséquent. Au cours du processus d’intégration, les concepts issus du contexte original d’apprentissage (de l’organisateur initial), et les concepts nouveaux apportés par le texte subséquent sont reliés les uns aux autres grâce à la production d’inférences de liaison (i.e., relations de cohérence) et d’élaborations. Dans une perspective simple, c’est-à-dire lorsque les deux contextes d’apprentissage (original et nouveau) activent la même série d’informations, la stratégie consiste alors à renforcer le poids des liens préexistants en mémoire (i.e., à renforcer le modèle de la situation évoquée dans l’organisateur initial). Les informations textuelles apportées par le texte subséquent sont alors compartimentalisées (Cf. Potts & Peterson, 1985, Potts & al., 1989), i.e., regroupées en une sous-structure isolée des connaissances acquises à partir de l’organisateur initial. Dans une perspective multiple, lorsque les deux contextes activent deux séries distinctes d’informations, la stratégie consiste à créer des combinaisons nouvelles entre les informations du texte subséquent et celles de l’organisateur initial, et donc à réviser le modèle de situation initial. Les informations textuelles apportées par le texte subséquent sont alors directement incorporées à la base des connaissances acquises à partir de l’organisateur initial. Pour Mannes et Hoyes (1996) qui s’appuient sur les modèles de la compréhension de textes de Kintsch (1988) et de van den Broek (van den Broek & al., 1996), la mise à jour du modèle de situation aurait lieu au cours de la lecture du texte subséquent. Mannes et Hoyes (1996) ont ainsi démontré que les lecteurs dont l’organisateur initial défendait une perspective sur un thème (les aspects sociaux de l’alcoolisme) différente de celle du texte subséquent (les aspects biologiques de l’alcoolisme) lisaient plus longuement les informations du texte subséquent que les lecteurs de la perspective simple. Précisément, ils ont observé que pour les lecteurs de la perspective multiple, les temps de lecture des phrases nouvelles du texte subséquent (i.e., phrases qui apportaient des informations nouvelles par rapport à l’organisateur initial) étaient plus longs que ceux des phrases anciennes, tandis qu’il n’y avait pas de différence de temps de lecture entre ces deux types de phrases pour les lecteurs de la perspective simple.

Sur la base des résultats des travaux de Mannes (i.e., Mannes, 1994 ; Mannes & Hoyes, 1996 ; Mannes & Kintsch, 1987 ; Mannes & St. George, 1996), nous pouvons supposer qu’un organisateur initial dont les connaissances réfèrent à la même catégorie sémantique (états ou événements) que celles du texte subséquent décrivant la structure fonctionnelle du neurone (i.e., congruence sémantique) devrait favoriser la construction d’une représentation sémantique appropriée de ce texte. En revanche, un modèle plus élaboré de la situation évoquée dans le texte devrait être observé dans la condition où la nature sémantique de l’organisateur initial et celle du texte subséquent diffèrent (i.e., non-congruence sémantique). De plus, en accord avec ce qui a été observé par Mannes et Hoyes (1996), nous nous attendons à ce que le texte subséquent soit plus longuement traité dans la condition de non-congruence sémantique que dans celle de congruence. Enfin, les experts du domaine qui réfère au neurone devraient traiter plus longuement et plus activement le texte subséquent dans la condition de non-congruence sémantique que dans celle de congruence. Les débutants de la condition de congruence sémantique devraient tirer davantage profit du texte subséquent que ceux de la condition de non-congruence.