3.2.3.4. Résultats

Les analyses de variance ci-dessous ont été calculées à l’aide du logiciel SuperAnova, Abacus Concepts, 1989.

3.2.3.4.a La lecture des textes d’apprentissage

Les temps moyens de lecture des phrases des deux types de textes d’apprentissage ont été analysés en millisecondes par syllabe, selon le plan expérimental suivant :

  • S < Ne2*O5*T2*Ta2 > *Cs2

  • dans lequel les lettres S, Ne, O, T, Ta, et Cs renvoient respectivement aux facteurs Sujet (source de variation aléatoire) ; Niveau d’Expertise (NE1 = Experts, NE2 = Débutants) ; Organisateurs initiaux (O1 = Organisateurs-états, O2 = Organisateurs-événements, O3 = Organisateur-contrôle) ; Tâche à l’issue de la lecture de l’organisateur initial (T1 = Résumé, T2 = Schéma) ; Textes d’Apprentissage (T1 = Texte-états ou ET+/EV-, T2 = Texte-événements ou ET-/EV+) ; Catégorie Sémantique de la phrase (CS1 = Etats, CS2 = Evénements).

Le facteur Textes d’Apprentissage exerçait un effet significatif : F(1, 40) = 5.02, p<.05. Le texte ET+/EV- était plus rapidement traité (M = 354 ms) que le texte ET-/EV+ (M = 422 ms). Nous avons observé que le facteur Textes d’Apprentissage interagissait avec le facteur Tâche à l’issue de la lecture de l’organisateur initial : F(1, 40) = 5.45, p<.05 (Cf. figure 10). Les sujets qui ont fait un résumé de l’organisateur initial traitaient plus longuement le texte ET+/EV- (M = 460.81 ms) que le texte ET-/EV+ (M = 322.44 ms) : F(1, 40) = 10.47, p<.01. Aucune différence entre les deux types de texte n’a été observée pour les sujets qui ont réalisé un schéma (les moyennes pour les textes ET+/EV- et ET-/EV+ étaient égales à 382.29 ms et 385.12 ms, respectivement).

message URL FIG10.gif
FIGURE 10. Temps moyens de lecture (en ms par syllabe) du texte ET+/EV- et du texte ET-/EV+ en fonction du facteur Tâches à l’issue de la lecture de l’organisateur initial (Résumé, Schéma)

Nous avons obtenu une double interaction significative entre les facteurs Organisateurs Initiaux, Tâches à l’issue de la lecture de l’organisateur initial et Textes d’Apprentissage (F(4, 40) = 3, p<.05). Comme l’indique le tableau VI, pour les sujets qui ont réalisé le résumé, le texte d’apprentissage était plus longuement traité dans les conditions de non-congruence (i.e., organisateurs-états et texte ET-/EV+; organisateurs-événements et texte ET+/EV-) que dans les conditions de congruence sémantique (i.e., organisateurs-états et texte ET+/EV-; organisateurs-événements et texte ET-/EV+). En revanche, il n’y avait pas de différence de temps de lecture entre les deux types de conditions pour les sujets qui ont réalisé le schéma.

TABLEAU VI. Temps moyens de lecture (en ms par syllabe) pour les sujets qui ont réalisé le résumé et pour ceux qui ont réalisé le schéma dans les conditions de congruence et de non-congruence
CONGRUENCE sémantique NON-CONGRUENCE
OI TA OI TA
Etats
Evénements
ET+/EV-
ET-/EV+
Etats
Evénements
ET-/EV+
ET+/EV-
RESUME M = 347.70 ms M = 440.36 ms
SCHEMA M = 377.59 ms M = 386.87 ms
Légende. - OI (Organisateurs Initiaux), TA (Texte d’Apprentissage)

Le facteur Catégorie Sémantique des phrases exerçait un effet significatif : F(1, 40) = 22.96, p<.01. Les phrases sur les événements étaient plus longuement traitées (M = 411.66 ms) que celles sur les états (M = 363.68 ms). Nous avons obtenu une interaction significative entre les facteurs Catégorie Sémantique des phrases et Textes d’Apprentissage : F(1, 40) = 13.76, p<.01. Lors de la lecture du texte ET-/EV+, les sujets se focalisaient davantage sur les événements (M = 396.35 ms) que sur les états (M = 311.22 ms), tandis qu’il n’y avait pas de différence entre les deux catégories de phrases pour le texte ET+/EV- (les moyennes pour les états et les événements étaient égales à 416.14 ms et 426.97 ms, respectivement).

Le facteur Niveau d’Expertise ne présentait pas d’effet simple (F(1, 40) = 2.1<1). Toutefois, l’interaction entre les facteurs Niveau d’Expertise et Catégorie Sémantique de la phrase était significative : F(1, 40) = 12.62, p<.01 (Cf. figure 11). Les experts se centraient davantage sur les événements (M = 407.47 ms) que sur les états (M = 323.92 ms), tandis qu’il n’y avait pas de différence entre les deux catégories de phrases pour les débutants (les moyennes pour les états et pour les événements étaient égales à 413.44 ms et 415.85 ms, respectivement).

message URL FIG11.gif
FIGURE 11. Temps moyens de lecture (en ms par syllabe) des phrases sur les états et sur les événements en fonction du facteur Niveau d’Expertise (Experts, Débutants)

Enfin, la double interaction entre les facteurs Niveau d’Expertise, Organisateurs Initiaux et Textes d’Apprentissage était significative (F(4, 40) = 3.02, p<.05). Comme l’indique le tableau VII, les débutants traitaient plus longuement le texte d’apprentissage dans les conditions de non-congruence sémantique (i.e., organisateurs-états et texte ET-/EV+ ; organisateurs-événements et texte ET+/EV-) que dans celles de congruence (i.e., organisateurs-états et texte ET+/EV- ; organisateurs-événements et texte ET-/EV+). Il n’y avait pas de différence notable entre les deux conditions pour les experts.

TABLEAU VII. Temps moyens de lecture (en ms par syllabe) pour les experts et pour les débutants dans les conditions de congruence et de non-congruence sémantique
CONGRUENCE sémantique NON-CONGRUENCE
OI TA OI TA
Etats
Evénements
ET+/EV-
ET-/EV+
Etats
Evénements
ET-/EV+
ET+/EV-
EXPERTS M = 387.90 ms M = 346.97 ms
DEBUTANTS M = 337.40 ms M = 480.24 ms
Légende. - OI (Organisateurs Initiaux), TA (Texte d’Apprentissage)

En résumé, ces résultats rendent compte d’un effet différentiel des deux types de représentation qui décrivent le domaine – les états et les événements. Précisément, les lecteurs semblent se centrer davantage sur les informations relatives aux événements que sur celles relatives aux états. Ce résultat est donc contraire à celui observé dans la première expérience. De plus, nous avons observé que lorsque le texte d’apprentissage privilégie les représentations d’événement pour décrire le domaine (texte ET-/EV+), il semble inciter les lecteurs à se focaliser davantage sur les informations relatives aux événements que sur celles relatives aux états. En revanche, les sujets ne semblent pas effectuer de traitement différencié de ces deux catégories d’informations au cours de la lecture du texte qui privilégie les représentations d’états (texte ET+/EV-).

Conformément à nos attentes, les résultats montrent que l’effet des deux types de représentation est fonction des connaissances initiales des lecteurs. Les experts se centrent davantage sur les informations relatives aux événements que sur celles relatives aux états, ce qui semble être contraire à ce qui a été observé dans la première expérience. Les débutants ne semblent pas traiter de façon différenciée les informations du texte d’apprentissage en fonction de leur catégorie sémantique.

Alors que nous ne l’avions pas prédit, les résultats mettent en évidence une interaction entre la nature sémantique du texte d’apprentissage et la tâche proposée aux lecteurs à l’issue de la lecture de l’organisateur initial. Plus précisément, il semble que les lecteurs traitent plus facilement le texte qui privilégie les représentations d’état (texte ET+/EV-) dans la condition où ils ont réalisé une tâche qui se base sur le modèle de la situation décrite dans l’organisateur initial (schéma). Ils traitent plus facilement le texte qui privilégie les représentations d’événement (texte ET-/EV+) dans la condition où ils ont réalisé une tâche qui se base sur la représentation sémantique de l’organisateur initial (résumé). En d’autres termes, les lecteurs bénéficient davantage d’une tâche qui les incite à effectuer un traitement ’situationnel’ du texte d’apprentissage lorsqu’il s’agit de comprendre les états du domaine. En revanche, ils semblent tirer davantage profit d’une tâche qui les incite à effectuer un traitement ’sémantique’ du texte lorsqu’il s’agit de comprendre les événements du domaine.

D’autre part, les résultats montrent que l’effet de la tâche proposée à l’issue de la lecture de l’organisateur initial est fonction de la relation entre la nature sémantique de l’organisateur initial et celle du texte d’apprentissage. Ainsi, dans la condition de non-congruence sémantique entre les deux sources d’informations (i.e., organisateur initial et texte d’apprentissage), les lecteurs qui ont effectué la tâche de schéma traitent plus rapidement le texte d’apprentissage que ceux qui ont réalisé la tâche de résumé, tandis qu’il n’y a pas de différence entre les deux groupes de lecteurs dans la condition de congruence. L’intégration des informations du texte d’apprentissage aux connaissances acquises à partir de l’organisateur initial semble être facilitée par une tâche qui incite les lecteurs à effectuer un traitement ’situationnel’ du texte d’apprentissage (schéma).

Enfin, conformément à nos attentes, nous observons que l’effet de la relation entre la nature sémantique de l’organisateur initial et celle du texte d’apprentissage est fonction des connaissances initiales des lecteurs. Les débutants mettent plus de temps à traiter le texte d’apprentissage dans la condition de congruence que dans la condition de non-congruence, tandis qu’il n’y a pas de différence entre les deux conditions pour les experts. Ainsi, en accord avec notre hypothèse, les débutants ont plus de difficultés que les experts à produire des inférences pour combiner les informations des deux sources (i.e., organisateur initial et texte d’apprentissage).