3.2.3.5. Discussion

Le premier but de cette deuxième expérience était d’étendre les résultats de la première expérience quant à l’effet des deux types de représentation – les états et les événements qui définissent le fonctionnement du neurone sur l’apprentissage à partir d’un texte. Pour cela, nous avons étudié la relation entre la catégorie sémantique des connaissances apportées par un organisateur initial et celle des informations évoquées dans un texte subséquent. Les résultats de la deuxième expérience confirment l’idée selon laquelle les lecteurs réalisent un traitement différencié des deux catégories d’informations. Durant la lecture du texte subséquent, les sujets se sont centrés davantage sur les informations relatives aux événements que sur celles relatives aux états du domaine, ce qui les a conduit à mieux mémoriser les événements que les états. Ce résultat est contraire à ce qui a été observé dans la première expérience. La différence entre les deux expériences réside dans le fait que les participants de la première expérience n’ont été soumis qu’à une seule et même phase d’apprentissage. Nous pouvons alors supposer que la catégorie sémantique des informations sur lesquelles les sujets se focalisent pourrait être fonction de la phase d’apprentissage. Par ailleurs, nous observons un effet différentiel des états et des événements sur les niveaux de représentation du texte subséquent. Il semble que les lecteurs effectuent un traitement plus ’sémantique’ des informations textuelles relatives aux états que des informations relatives aux événements, tandis que les deux catégories d’informations ne se différencient pas en termes de poids mnésique au niveau du modèle de situation. Les résultats montrent également que les événements sont mieux mémorisés lorsqu’ils sont présentés dans un texte qui privilégie les représentations d’états pour décrire le domaine. En revanche, la mémorisation des états ne semble pas être fonction de la nature sémantique du texte dans lequel ils sont évoqués. En d’autres termes, les événements relatifs au domaine sont mieux mémorisés lorsqu’ils s’intègrent dans une représentation dont les points d’ancrage sont constitués par les états.Conformément à notre hypothèse, nous observons que les lecteurs bénéficient davantage d’un apport de connaissances initiales sur les états du domaine (par le biais d’un organisateur initial) que de connaissances initiales sur les événements. L’apport de connaissances initiales sur les états du domaine semble faciliter davantage l’accès en mémoire de la représentation mentale du texte subséquent. Ce résultat va aussi dans le sens de notre hypothèse selon laquelle l’accroissement de l’expertise dans le domaine qui réfère au neurone consisterait en la construction d’un réseau de connaissances dans lequel les états joueraient le rôle de concepts-noyaux. De plus, les résultats montrent que l’effet de la nature sémantique de l’organisateur initial dépend du niveau d’expertise initial des lecteurs. Ainsi, conformément à notre hypothèse, les débutants semblent tirer davantage profit d’un organisateur initial qui apporte des connaissances sur les états du domaine. Il semble que les experts qui ont étudié un organisateur initial qui se centre sur la description des aspects dynamiques du domaine, produisent davantage d’inférences pour intégrer les informations du texte subséquent à leurs connaissances en mémoire. Ce résultat est à rapprocher de ce qui a été observé dans l’analyse des temps de lecture du texte d’apprentissage. En effet, il semble que les experts se focalisent davantage sur les informations relatives aux événements que sur celles relatives aux états, tandis que les débutants ne font pas de traitement différencié des informations du texte en fonction de leur catégorie sémantique.

Conformément à notre hypothèse, les résultats montrent un effet de la relation entre la nature sémantique de l’organisateur initial et celle du texte d’apprentissage. Plus précisément, cet effet est fonction des connaissances initiales des lecteurs. Les débutants semblent traiter plus longuement le texte subséquent dans la condition où la catégorie sémantique des informations du texte et celle des connaissances de l’organisateur initial sont différentes (condition de non-congruence) que dans la condition de congruence. En revanche, il n’y a pas de différence de temps de lecture entre les deux conditions pour les experts. Ainsi, comparés aux experts, les débutants ont plus de difficultés à produire des inférences pour combiner les deux sources d’informations (i.e., organisateur initial et texte), et donc pour réviser le modèle mental du domaine qu’ils ont construit lors de la première phase d’apprentissage. Les experts semblent produire de façon automatique des inférences pour mettre à jour leur modèle initial dès le début de la lecture du texte d’apprentissage.

Notre second objectif était d’étudier l’effet des exigences de la tâche proposée à l’issue de la lecture de l’organisateur initial sur le traitement du texte subséquent. Alors que nous ne l’avions pas prédit, cet effet est fonction du type de représentation qui décrivent le domaine (états, événements). Précisément, le traitement et la mémorisation des événements du domaine semblent être facilités par une tâche qui incite les lecteurs à effectuer un traitement ’sémantique’ du texte d’apprentissage subséquent (résumé). Le traitement et la mémorisation des états du domaine semblent être facilités par une tâche qui encourage les lecteurs à effectuer un traitement ’situationnel’ du texte (schéma). De plus, l’effet de la tâche consécutive à l’étude de l’organisateur initial dépend du niveau d’expertise initial des lecteurs. Comme attendu, les experts semblent profiter davantage d’une tâche qui requiert l’activation de leur modèle de situation initial (schéma), et qui les incite à effectuer un traitement plus approfondi du texte subséquent. Les débutants bénéficient davantage d’une tâche qui les incite à se focaliser sur la mémorisation (i.e., le traitement sémantique) du texte d’apprentissage subséquent (résumé). Enfin, nous observons que l’effet des exigences de la tâche est fonction de la relation entre la nature sémantique de l’organisateur initial et celle du texte d’apprentissage. Ainsi, la tâche de schéma facilite l’intégration des deux sources d’informations (organisateur initial, texte) et la révision du modèle mental initial lorsque les deux sources d’informations diffèrent par leur catégorie sémantique (condition de non-congruence), comparée à la tâche de résumé. Dans la condition de congruence sémantique, le traitement du texte subséquent ne semble pas dépendre du type de tâches effectuées après la lecture de l’organisateur initial.