4.1.3.a Effet des illustrations sur les niveaux de représentation du texte

Dans ce type d’expériences, les tests qui sont utilisés à l’issue de la lecture des textes accompagnés ou non d’illustrations, mettent en jeu soit des informations explicites du texte, soit des informations implicites (des inférences). Ils permettent d’évaluer l’effet des illustrations à la fois sur la représentation propositionnelle du texte et sur le modèle mental de la situation évoquée. Ainsi, pour la plupart, ces recherches ont montré un effet différentiel des illustrations sur ces deux niveaux de compréhension (van Dijk & Kintsch, 1983).

Moore et Skinner (1985) ont étudié l’effet des illustrations sur la compréhension de deux types de textes (un texte concret et un texte abstrait) chez des lecteurs âgés de 12 ans. Les enfants devaient lire les deux textes, soit dans une version illustrée (textes accompagnés de dessins en noir et blanc), soit dans une version non-illustrée. A l’issue de la lecture, la compréhension a été évaluée à l’aide de deux types de questions : [1] des questions de compréhension littérale, et [2] des questions de type inférentiel qui nécessitaient l’intégration des informations du texte et qui exigeaient de la part du lecteur d’utiliser ses connaissances sur le monde. Les résultats ont montré que pour le texte concret, les sujets affectés à la lecture des versions illustrée et non-illustrée ne se différenciaient pas dans les performances aux deux types de questions. Dans le cas du texte abstrait, les performances aux inférences étaient plus importantes pour les sujets qui ont lu sa version illustrée que pour ceux qui ont lu sa version non-illustrée. En revanche, aucune différence significative entre ces deux groupes n’a été observée pour les questions de compréhension littérale. Ainsi, il semble que le lecteur doit produire davantage d’inférences pour construire un modèle de la situation évoquée par le texte abstrait que pour comprendre le texte concret, et que les illustrations facilitent la mise en oeuvre d’activités inférentielles.

Mayer (1989) s’est interrogé sur la façon de construire un texte scientifique de sorte que les lecteurs puissent être capables d’utiliser les informations acquises à partir de ce texte pour résoudre des problèmes. Selon Mayer (1989), les moyens qui doivent être mis en oeuvre pour améliorer la compréhension de ce type de textes sont ceux qui favorisent la construction d’un modèle mental des systèmes décrits. L’illustration semble être l’un de ces moyens. En effet, l’illustration aide le lecteur à centrer son attention sur les informations pertinentes du texte, et apporte un contexte pour relier les informations du texte. L’auteur suggère que différentes conditions doivent néanmoins être remplies pour qu’une illustration puisse faciliter l’apprentissage à partir de textes scientifiques. Concernant le texte, il doit être de type explicatif, c’est-à-dire décrire une séquence de changements d’état selon un système de causes à effets. Concernant les illustrations qui sont associées à ce type de textes, elles doivent signaler au lecteur les informations explicatives. Elles doivent attirer son attention sur les éléments principaux du système et lui montrer comment un changement d’état d’un de ces éléments peut affecter le changement d’état des autres éléments.

Mayer (1989) a ainsi réalisé une série d’expériences dans lesquelles les sujets lisaient un texte sur le fonctionnement des systèmes de freinage pour automobiles. Ce texte étaient présenté soit seul, soit accompagné d’illustrations. Parmi ces illustrations, certaines représentaient les parties-clé du système, tandis que d’autres représentaient les changements d’état de chaque partie lorsque le système fonctionnait. D’autre part, les illustrations étaient accompagnées de légendes qui reprenaient les mêmes termes que ceux utilisés dans le texte pour décrire les états et les actions dans le système. La compréhension était évaluée à l’issue de la lecture par trois catégories d’épreuves : [1] une tâche de rappel libre, [2] une épreuve de résolution de problèmes (i.e., questions ouvertes nécessitant l’établissement de connexions logiques), et [3] une épreuve de reconnaissance de phrases littérales et de paraphrases. Les résultats ont montré que les sujets qui ont lu le texte accompagné d’illustrations légendées rappelaient deux fois plus d’informations explicatives que d’informations non-explicatives, comparés à ceux qui ont lu le texte présenté seul. D’autre part, lorsque le texte était illustré, les sujets ont utilisé leur modèle mental de la situation pour produire plus de réponses créatives aux problèmes que ceux n’ayant eu que le texte seul. En revanche, ces deux groupes ne se différenciaient pas dans les performances à la tâche de reconnaissance.

Les résultats de l’expérience de Mayer (1989) montrent donc que les illustrations ont plus d’influence sur le modèle de situation que sur la représentation propositionnelle du texte. Par conséquent, nous pouvons supposer que les illustrations devraient favoriser davantage l’intégration des informations apportées par le texte aux connaissances des lecteurs que la construction d’une représentation cohérente de la signification du texte.