4.1.3.b Effet des illustrations sur la construction on-line du modèle de situation

Gyselinck (1995, 1996) s’est intéressée au rôle des illustrations sur la construction on-line du modèle mental de la situation évoquée par un texte. Elle a ainsi mené une série de quatre expériences, durant lesquelles les sujets lisaient des textes à visée didactique qui expliquaient des notions simples de physique-chimie (e.g., pression atmosphérique) ainsi que leurs relations causales et temporelles. Les textes étaient présentés soit seuls, soit accompagnés d’illustrations (chaque phrase du texte était illustrée). L’état des représentations a été testé d’une part, durant la lecture (test on-line), et d’autre part, immédiatement après la lecture (test off-line), par le biais de deux types de questions : [1] des questions qui mettaient en jeu des paraphrases du texte et qui évaluaient la représentation sémantique du texte, et [2] des questions qui mettaient en jeu des inférences et qui évaluaient le modèle mental de la situation décrite. Les résultats aux tests on-line et off-line ont indiqué que les pourcentages et les temps de réponses correctes aux questions étaient meilleurs dans la condition ’texte illustré’ que dans la condition ’texte seul’. De plus, la différence de performances entre les deux conditions était plus importante pour les questions de type ’paraphrases’ que pour celles de type ’inférences’. En conséquence, les illustrations facilitent le traitement du texte, et plus particulièrement la construction on-line du modèle de situation.

A l’aide de mesures des fixations oculaires, Hegarty et Just (1989) ont étudié la façon dont les sujets pouvaient utiliser un diagramme durant la lecture pour construire un modèle mental du système décrit par un texte. Les auteurs ont présenté à des sujets des textes portant sur la structure et le fonctionnement de systèmes de poulies, chaque texte étant accompagné d’un diagramme qui représentait la configuration du système. Deux types de textes ont été ainsi construits qui différaient par leur longueur. Dans les textes longs, les relations spatiales entre les composants des systèmes étaient décrites à la fois aux niveaux verbal et pictural. Dans les textes courts, seuls les diagrammes apportaient des informations sur l’organisation spatiale des systèmes. Trois catégories d’inspections visuelles du diagramme ont été ainsi mesurées durant la lecture : [1] des inspections dites de formation, [2] des inspections dites de réactivation, et [3] des inspections dites d’élaboration. Ces trois types d’inspections visuelles se distinguent par leur rôle respectif dans la construction de la représentation de la situation ainsi que par les éléments du diagramme qu’elles concernent. Ainsi, les inspections de formation interviennent au cours de l’encodage des informations (spatiales) et la vérification de la représentation construite d’après le texte. Les éléments du diagramme qui sont alors observés sont ceux dont il est question dans la dernière phrase lue du texte. Les inspections de réactivation permettent de récupérer en mémoire la représentation du texte qui a été précédemment formée. Dans ce cas, le sujet examine les éléments du diagramme qui ont été mentionnés juste avant la dernière phrase traitée du texte. Enfin, les inspections d’élaboration ont pour rôle d’encoder de nouvelles informations à partir des éléments du diagramme dont il n’a pas été question dans le texte. Les données recueillies ont montré un plus grand nombre d’inspections visuelles du diagramme pour les sujets qui ont lu la version longue des textes que pour ceux qui ont lu la version courte. Ainsi, le diagramme est principalement utilisé par les lecteurs pour vérifier le modèle mental en cours de formation.

Les résultats des recherches on-line nous permettent donc de faire l’hypothèse selon laquelle la présence d’illustrations dans le texte devrait encourager les lecteurs à effectuer un traitement plus approfondi du texte et à produire plus d’inférences sur la base de leurs connaissances en mémoire. Ceci devrait alors se manifester par des temps de lecture plus longs du texte, et des temps de réponse plus courts au test à l’issue de la lecture.