4.2. EXPERIENCE 3
Intégration des informations nouvelles aux connaissances acquises à partir d’un organisateur initial : Effet du Niveau d’expertise initial des lecteurs et de la Catégorie sémantique des informations illustrées

4.2.1. Objectifs

Deux principaux objectifs ont motivé notre troisième expérience. Le premier consistait à étudier l’effet des illustrations analogiques (schémas) sur l’apprentissage d’un domaine scientifique (le neurone) à l’aide de textes informatifs. Le second était de rendre compte de l’existence de deux modes d’intégration en mémoire des informations évoquées dans le texte, à savoir l’incorporation et la compartimentalisation (Cf. Potts & Peterson, 1985 ; Potts & al., 1989)

La première piste de travail a émergé des résultats de la deuxième expérience quant à l’effet de la tâche consécutive à la lecture de l’organisateur initial (résumé versus schéma) sur la compréhension d’un texte d’apprentissage subséquent. Dans le modèle d’acquisition de connaissances à partir de textes et d’illustrations de Schnotz (Schnotz & al., 2002), le résumé est considéré comme une représentation descriptive de l’organisateur initial, le schéma comme une représentation figurative. Les résultats de notre deuxième expérience (Cf. chapitre 3) ont montré que, comparés aux débutants, les experts tirent davantage profit d’une tâche qui les incite, à l’issue de la première phase de lecture, à former une représentation figurative du domaine. La représentation des états du domaine semble être également plus précise dans la condition où les sujets ont construit, à l’issue de la première phase de lecture, une représentation du domaine de nature figurative plutôt que descriptive. En revanche, l’inverse a été observé pour la représentation des événements du domaine. A partir de ces résultats ainsi que des travaux antérieurs sur le rôle des illustrations dans la compréhension de textes scientifiques, nous avons fait l’hypothèse selon laquelle l’effet des illustrations devrait être fonction des connaissances initiales des lecteurs (experts, débutants) et de la catégorie sémantique des informations illustrées (états, événements).

Notre second objectif était d’approfondir nos connaissances sur les mécanismes à l’oeuvre dans l’apprentissage à partir d’un texte scientifique. Dans nos précédentes expériences, les épreuves que nous avons utilisées (e.g., vérification des inférences, reconnaissance d’énoncés) ne rendent compte que de la précision et de l’accessibilité de la représentation mentale à l’issue de la lecture du texte. Il nous a semblé ainsi pertinent d’étudier plus précisément les processus qui sous-tendent l’intégration en mémoire des informations évoquées par le texte. Pour Potts et Peterson (1985), il existerait deux modes d’intégration des informations apportées par un texte en mémoire permanente : soit elles s’incorporeraient directement à la base des connaissances initiales, soit elles formeraient un sous-groupe unique et isolé de la base. Dans un modèle en réseau de la mémoire permanente (e.g., le modèle ACT proposé par Anderson, 1983), il y aurait compartimentalisation lorsque le poids des connexions internes (i.e., qui relient les informations du texte entre elles) est plus élevé que celui des connexions externes (i.e., qui relient les informations du texte aux connaissances initiales). L’incorporation supposerait que les connexions internes et externes ne diffèrent pas en termes de poids. Pour mesurer le poids de ces deux types de connexions (internes, externes), nous avons utilisé un paradigme d’amorçage qui a été inspiré de la tâche de reconnaissance amorcée de van den Broek et Lorch (1993). Deux principales conditions d’amorçage ont été ainsi comparées. Les cibles relatives à des informations nouvelles (i.e., évoquées par un texte d’apprentissage) étaient précédées soit par des amorces relatives à des connaissances initiales (i.e., acquises à partir d’un organisateur initial) dans la première condition, soit par des amorces relatives à des informations nouvelles dans la seconde condition. Ainsi, la première condition permettait d’évaluer le poids des connexions externes, la seconde le poids des connexions internes. Etant donné les résultats des précédentes expériences, nous nous attendons à ce que le mode d’intégration en mémoire soit fonction d’une part, des connaissances initiales des lecteurs et d’autre part, de la catégorie sémantique des informations nouvelles. Précisément, les experts devraient avoir tendance à directement incorporer les informations évoquées par le texte, tandis que les débutants devraient plutôt les compartimentaliser. D’autre part, les états qui décrivent le domaine devraient être des informations plus fortement reliées aux connaissances initiales des lecteurs, comparés aux événements.