Les temps de réaction aux cibles vraies

Le facteur Mode de présentation exerçait un effet significatif : F 2(2, 4) = 6.44, p<.05. Les temps de réaction étaient plus longs pour les sujets qui ont lu la version avec états illustrées (M = 261.38 ms) que pour ceux qui ont lu la version avec événements illustrés (M = 242.86 ms) (F 2(1, 4) = 12.78, p<.01), ces derniers ne se différenciant pas des sujets qui ont lu le texte seul (M = 250.09 ms). L’effet de l’interaction entre les facteurs Niveau d’expertise et Mode de présentation était proche du seuil de signification dans l’analyse par sujets (F 1(2, 72) = 2.99, p = .06) et était significatif dans l’analyse par items (F 2(2, 4) = 5.9, p<.05). A l’issue de la lecture de la version avec états illustrés, les temps de réaction étaient plus longs pour les débutants (M = 287.14 ms) que pour les experts (M = 235.61 ms) (F 2(1, 4) = 5.87, p<.05). En revanche, l’inverse a été observé à l’issue de la lecture de la version avec événements illustrés (pour les experts : M = 267.4 ms ; pour les débutants : M = 218.3 ms) (F 2(1, 4) = 5.33, p<.05). Les deux groupes d’expertise ne se différenciaient pas dans les temps de réaction à l’issue de la lecture du texte seul (pour les experts : M = 238.50 ms ; pour les débutants : M = 261.68 ms). La figure 20 illustre l’effet de cette interaction :

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Figure 20. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies en fonction des facteurs Niveau d’expertise (Experts, Débutants) et Mode de présentation du texte d’apprentissage (Seul, Etats illustrés, Evénements illustrés).

Une interaction double entre les facteurs Niveau d’expertise, Tâche à l’issue de la lecture de l’organisateur initial et Récence de l’amorce a été obtenue : F 1(1, 72) = 5.11, p<.05 ; F 2(1, 4) = 6.51, p = .06 (Cf. tableau XI).

TABLEAU XI. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies précédées par des amorces anciennes et par des amorces nouvelles en fonction des facteurs Niveau d’expertise (Experts, Débutants) et Tâche (Résumé, Schéma)
Amorces ANCIENNES Amorces NOUVELLES
Résumé Schéma Résumé Schéma
EXPERTS M = 235.60 ms M = 245.32 ms M = 265.89 ms M = 241.89 ms
DEBUTANTS M = 255.41 ms M = 246.95 ms M = 239.28 ms M = 281.19 ms

Le tableau XI indique que :

Le premier type d’analyses révélait un effet du facteur Catégorie sémantique de l’amorce : F 1(1, 72) = 38.21, p<.01. Les temps de réaction étaient plus longs pour les cibles précédées par des amorces référant à des états (M = 285.07 ms) que pour celles précédées par des amorces référant à des événements (M = 217.81 ms). Une interaction entre les facteurs Récence de l’amorce et Catégorie sémantique de l’amorce a été mise en évidence : F 1(1, 72) = 11.15, p<.01. Dans la condition d’amorçage par des états, les temps de réaction étaient plus longs lorsque les états étaient des amorces nouvelles (M = 308.2 ms) plutôt qu’anciennes (M = 261.9 ms). En revanche, l’inverse était observé dans la condition d’amorçage par des événements (anciens : M = 229.71 ms ; nouveaux : M = 205.91 ms) (Cf. figure 21).

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Figure 21. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies en fonction de la récence des amorces (Anciennes, Nouvelles) et de la catégorie sémantique des Amorces (Etats, Evénements)

Dans le second type d’analyses, un effet principal du facteur Catégorie sémantique de la cible a été observé : F 1(1, 72) = 15.84, p<.01. Les temps étaient plus longs pour les cibles sur des états (M = 273.71 ms) que pour celles sur des événements (M = 229.17 ms). Une interaction entre les facteurs Récence de l’amorce et Catégorie sémantique de la cible a également été mise en évidence : F 1(1, 72) = 9.21, p<.01. Pour les cibles référant à des états, les temps de réaction étaient plus longs lorsqu’elles étaient précédées par des amorces nouvelles (M = 296 ms) plutôt que par des amorces anciennes (M = 251.7 ms) (F 1(1, 72) = 8.3, p<.01). Pour les cibles référant à des événements, l’inverse a été observé (après des amorces anciennes : M = 239.94 ms ou nouvelles : M = 218.40 ms) ; toutefois, cette différence n’était pas significative : F 1(1, 72) = 1.98, p = .16 (Cf. figure 22).

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Figure 22. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies référant à des états ou à des événements en fonction de la récence des amorces (Anciennes, Nouvelles)

Aucun autre facteur simple ou en interaction n’était significatif.

En résumé, l’analyse effectuée sur les réponses correctes montre que la tâche proposée à l’issue de la lecture de l’organisateur initial détermine la précision de la représentation mentale du texte d’apprentissage. Contrairement à nos attentes, les sujets qui ont réalisé une tâche qui se base sur la représentation sémantique de l’organisateur initial (résumé) se représentent plus précisément le texte d’apprentissage que ceux qui ont réalisé une tâche qui se base sur le modèle de la situation évoquée par l’organisateur initial (schéma). Par ailleurs, les informations du texte d’apprentissage relatives à des états sont plus facilement reconnues dans la condition où la représentation du texte a été pré-activée en phase d’amorçage (cibles précédées par des amorces ’nouvelles’), tandis que les informations du texte d’apprentissage relatives à des événements sont plus facilement reconnues dans la condition où la représentation de l’organisateur initial a été pré-activée en phase d’amorçage (cibles précédées par des amorces ’anciennes’).

L’analyse effectuée sur les temps de réaction montre que l’accès à l’information en mémoire est fonction du mode de présentation du texte d’apprentissage. D’une part, les sujets qui ont lu le texte présenté seul accède plus rapidement à l’information que ceux qui ont lu la version illustrée du texte. D’autre part, le recouvrement en mémoire semble être davantage affecté par la présence d’illustrations d’états dans le texte que par la présence d’illustrations d’événements. Les résultats montrent aussi que l’effet du mode de présentation du texte d’apprentissage varie en fonction des connaissances initiales des lecteurs. Alors que les experts et les débutants ne se différencient pas dans les temps de réaction à l’issue de la lecture du texte d’apprentissage présenté seul, les résultats mettent en évidence une différence significative entre les deux niveaux d’expertise à l’issue de la lecture des versions illustrées du texte. Plus précisément, l’accès en mémoire semble être plus rapide pour les experts que pour les débutants à l’issue de la lecture de la version avec les états illustrés, tandis que le pattern inverse est obtenu à l’issue de la lecture de la version avec les événements illustrés.

L’accès à l’information dans la représentation en mémoire est fonction de la catégorie sémantique de l’information. Les informations relatives aux événements sont plus rapidement accessibles que celles relatives aux états. De plus, les informations du texte d’apprentissage sont plus rapidement reconnues lorsque la représentation mentale des événements a été pré-activée en phase d’amorçage (i.e., cibles précédées par des amorces ’événements’). D’autre part, alors que l’analyse sur les réponses correctes révèle que les informations relatives à des états sont mieux reconnues dans la condition où la représentation du texte d’apprentissage a été pré-activée en mémoire à long-terme (durant la phase d’amorçage), l’analyse sur les temps de réaction montre que l’accès à cette catégorie d’informations semble toutefois être plus rapide dans la condition où la représentation de l’organisateur initial a été pré-activée. Ainsi, bien que les informations relatives aux états semblent être plus fortement connectées aux connaissances initiales qu’à la représentation du texte d’apprentissage, nous pouvons faire l’hypothèse selon laquelle les sujets auraient pour stratégie mnésique de répondre sur la base de leur représentation du texte. Concernant les informations relatives à des événements, alors que l’analyse sur les réponses correctes révèle qu’elles sont mieux reconnues dans la condition où la représentation de l’organisateur initial a été pré-activée durant la phase d’amorçage, l’analyse sur les temps de réaction montre que l’accès à cette catégorie d’informations semble être toutefois plus rapide dans la condition où la représentation du texte d’apprentissage a été pré-activée. Par conséquent, bien que les informations relatives aux événements ont tendance à être plus fortement connectées à la représentation du texte d’apprentissage qu’aux connaissances initiales, nous pouvons faire l’hypothèse selon laquelle les sujets font le choix (stratégique) de répondre sur la base de leurs connaissances initiales.

Enfin, conformément à nos attentes, les résultats montrent que l’effet d’amorçage est fonction des connaissances initiales des lecteurs et de la tâche qu’ils ont effectuée à l’issue de la lecture de l’organisateur initial. Précisément, l’accès en mémoire est plus rapide dans la condition où la représentation de l’organisateur initial a été pré-activée au cours de la phase d’amorçage pour [1] les experts (et ce d’autant plus lorsqu’ils ont effectué le résumé de l’organisateur initial), et [2] les débutants qui ont effectué le schéma de l’organisateur initial. En revanche, pour les débutants qui ont fait le résumé, l’accès en mémoire est plus rapide dans la condition où la représentation du texte d’apprentissage a été pré-activée. Ainsi, contrairement à nos attentes, il semble que les experts aient tendance à mieux intégrer les informations nouvelles à leurs connaissances initiales lorsqu’ils ont été amenés à construire une représentation initiale du domaine de nature descriptive. En revanche, les débutants ont tendance à mieux intégrer les informations nouvelles à leurs connaissances initiales lorsqu’ils ont été amenés à construire une représentation initiale du domaine de nature figurative.