Les temps de réaction aux cibles vraies

Comme dans notre troisième expérience, le premier type d’analyses révélait un effet du facteur Catégorie sémantique de l’amorce : F 1(1, 48) = 30.91, p<.01. Les temps de réaction étaient plus longs pour les cibles précédées par des amorces relatives à des états (M = 262.62 ms) que pour celles précédées par des amorces relatives à des événements (M = 222.19 ms). Le second type d’analyses mettait en évidence une interaction entre les facteurs Récence de l’amorce et Catégorie sémantique de la cible : F 1(1, 48) = 9.92, p<.01. Conformément à ce qui a été observé précédemment, les temps de réaction aux cibles relatives à des états étaient plus longs lorsqu’elles étaient précédées par des amorces nouvelles (M = 245.06 ms) plutôt que par des amorces anciennes (M = 227.82 ms), tandis que l’inverse était obtenu pour les cibles relatives à des événements (précédées par des amorces anciennes : M = 262.6 ms ; précédées par des amorces nouvelles : M = 234.1 ms).

L’effet de l’interaction entre les facteurs Niveau d’expertise et Mode de présentation était significatif : F 1(1, 48) = 4.36, p<.05 ; F 2(1, 4) = 36.22, p<.01. A l’issue de la lecture de la version avec des états illustrés, les temps de réaction étaient plus courts pour les experts (M = 218.48 ms) que pour les débutants (M = 253.25 ms), tandis que l’inverse était observé à l’issue de la lecture de la version avec des événements illustrés (pour les experts : M = 265.9 ms ; pour les débutants : M = 231.99 ms) (Cf. figure 24). Ce résultat est donc en accord avec ce qui a été obtenu avec des illustrations contiguës.

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Figure 24. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies à l’issue de la lecture de la version avec des états illustrés ou de la version avec des événements illustrés en fonction du facteur Niveau d’expertise (Experts, Débutants)

Une interaction entre les facteurs Type de disposition temporelle des illustrations et Récence de l’amorce a été mise en évidence : F 1(1, 48) = 4.4, p = .05. A l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations étaient placées avant leur description verbale, les temps de réaction étaient plus longs pour les cibles précédées par des amorces anciennes (M = 240.92 ms) que pour celles précédées par des amorces nouvelles (M = 218.12 ms), tandis que la tendance inverse était observée à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations étaient placées après (pour les cibles précédées par des amorces anciennes : M = 249.53 ms ; pour les cibles précédées par des amorces nouvelles : M = 261.05 ms). La figure 25 illustre cet effet :

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Figure 25. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies précédées par des amorces anciennes ou par des amorces nouvelles en fonction du facteur Type de disposition temporelle des illustrations (Avant le texte, Après le texte)

Une interaction double entre les facteurs Niveau d’expertise, Mode de présentation et Type de disposition temporelle des illustrations a été obtenue dans l’analyse par items : F 2(1, 4) = 40.86, p<.01 (Cf. tableau XIV).

TABLEAU XIV. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies à l’issue de la lecture de la version avec des états illustrés ou de la version avec des événements illustrés en fonction des facteurs Niveau d’expertise (Experts, Débutants) et Type de disposition temporelle des illustrations (Avant, Après)
Avec des ETATS illustrés Avec des EVENEMENTS illustrés
Illustrations AVANT Illustrations APRES Illustrations AVANT Illustrations APRES
EXPERTS M = 213.21 ms M = 223.76 ms M = 235.66 ms M = 296.12 ms
DEBUTANTS M = 234.94 ms M = 271.56 ms M = 234.28 ms M = 229.71 ms

Le tableau XIV indique que :

Enfin, l’analyse sur les temps de réaction a mis en évidence une interaction double entre les facteurs Niveau d’expertise, Type de disposition temporelle des illustrations et Récence de l’amorce (F 1(1, 48) = 3.53, p = .07 , F 2(1, 4) = 17.5, p<.05). Le tableau XV rend compte de cette double interaction :

TABLEAU XV. Temps de réaction moyens (en ms par syllabe) aux cibles vraies précédées par des amorces anciennes ou par des amorces nouvelles en fonction des facteurs Niveau d’expertise (Experts, Débutants) et Type de disposition temporelle des illustrations (Avant, Après)
Illustrations AVANT Illustrations APRES
Amorces ANCIENNES Amorces NOUVELLES Amorces ANCIENNES Amorces NOUVELLES
EXPERTS M = 232.00 ms M = 216.86 ms M = 266.57 ms M = 253.30 ms
DEBUTANTS M = 249.84 ms M = 219.38 ms M = 232.48 ms M = 268.80 ms

Le tableau XV indique que :

Aucun autre facteur simple ou en interaction n’était significatif dans l’analyse effectuée sur les temps de réaction à la tâche de reconnaissance amorcée.

En résumé, l’analyse effectuée sur les réponses correctes à la tâche de reconnaissance amorcée révèle deux principaux résultats. Conformément à nos attentes, les experts semblent répondre plus précisément sur la base de leur représentation des états du domaine (pré-activée durant la phase d’amorçage) que sur la base de leur représentation des événements, tandis que l’inverse est obtenu pour les débutants. Deuxièmement, à l’issue de la lecture de la version avec des illustrations d’états, les informations nouvelles relatives aux états semblent être mieux reconnues sur la base de la représentation de l’organisateur initial (pré-activée en mémoire) que sur la base de la représentation du texte d’apprentissage. L’inverse est observé à l’issue de la lecture de la version avec des illustrations d’événements. Pour les informations nouvelles relatives aux événements, elles semblent être mieux reconnues sur la base de la représentation de l’organisateur initial que sur la base de la représentation du texte d’apprentissage à l’issue de la lecture de la version avec des illustrations d’événements. Il n’y a pas de différence entre les deux conditions d’amorçage à l’issue de la lecture de la version avec des illustrations d’états.

L’analyse effectuée sur les temps de réaction à la tâche de reconnaissance amorcée montre que l’effet du type d’illustrations est fonction des connaissances initiales et de la disposition temporelle des illustrations. D’une part, les résultats montrent qu’à l’issue de la lecture de la version comportant des illustrations d’états, les débutants ont une représentation moins accessible que celle des experts. Conformément à nos hypothèses, cette différence entre les groupes d’expertise semble être moins importante dans la condition où les illustrations d’états sont présentées avant leur description verbale. D’autre part, nous observons qu’à l’issue de la lecture de la version avec des illustrations d’événements, les experts ont une représentation moins accessible que celle des débutants. La différence entre les deux groupes d’expertise est d’autant plus importante que les illustrations d’événements sont présentées après leur description verbale.

Les résultats montrent aussi que la place des illustrations dans le déroulement de la lecture est un facteur déterminant dans l’intégration des informations nouvelles en mémoire. Ainsi, à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations sont placées après leurs descriptions verbales, les informations nouvelles tendent à être plus directement reliées à la représentation de l’organisateur initial qu’à celle du texte d’apprentissage. En revanche, l’inverse est observé à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations sont placées avant leurs descriptions verbales. Enfin, nous observons que l’effet de la disposition temporelle des illustrations sur l’intégration des informations nouvelles en mémoire varie en fonction des connaissances initiales des lecteurs. Ainsi, conformément à nos attentes, les débutants semblent mettre plus de temps que les experts à accéder à l’information nouvelle à partir de leur représentation de l’organisateur initial (pré-activée durant la phase d’amorçage) à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations sont placées avant leurs descriptions verbales, alors que le pattern inverse est obtenu à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations sont placées après leurs descriptions verbales. Par ailleurs, les débutants semblent être moins rapides que les experts pour accéder à l’information nouvelle à partir de leur représentation du texte d’apprentissage (pré-activée durant la phase d’amorçage) à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations sont placées après leurs descriptions verbales, tandis qu’il n’y a pas de différence entre les deux groupes d’expertise à l’issue de la lecture de la version dans laquelle les illustrations sont placées avant leurs descriptions verbales.

Enfin, les résultats montrent que l’intégration des informations nouvelles en mémoire est fonction de la catégorie sémantique des informations. Précisément, ils confirment ce qui a été observé dans notre précédente expérience. Les informations nouvelles relatives aux états semblent être plus fortement reliées aux connaissances initiales (acquises à partir de l’organisateur initial) qu’elles ne le sont à la représentation du texte d’apprentissage, tandis l’inverse est observé pour les informations nouvelles relatives aux événements.