4.3.6. Discussion

L’analyse réalisée sur les temps de lecture du texte d’apprentissage révèle que la présence des illustrations dans le texte entraîne une augmentation des temps de lecture des informations illustrées du texte dans la condition où les deux sources d’informations sont présentées simultanément (Cf. expérience 3), et une diminution des temps de lecture des informations illustrées du texte dans la condition où les deux sources d’informations sont présentées successivement (Cf. expérience 4). Contrairement à ce qui a été suggéré par Mayer et Anderson (1991, 1992), il semble donc que l’intégration des informations textuelles et picturales en un modèle de situation unifié soit un processus plus coûteux dans la condition où les deux sources d’informations sont présentées en même temps plutôt que séparément.

De plus, les résultats rendent compte de l’existence d’un effet différentiel des deux types de disposition temporelle des illustrations (avant, après). Conformément à nos hypothèses, les sujets traitent plus rapidement la version illustrée du texte dans laquelle les illustrations sont présentées avant leurs descriptions verbales que celle dans laquelle les illustrations sont présentées après. Le rôle des illustrations semble donc varier en fonction de leur position relative dans le texte. Placées avant, nous supposons que les illustrations seraient un facteur déterminant dans la construction de la représentation sémantique (et donc descriptive) du texte. En effet, elles permettraient aux lecteurs de repérer plus rapidement les informations centrales du texte, et formeraient des cadres de connaissances initiales à partir desquels les informations textuelles pourraient être instanciées. Placées après, nous supposons que les illustrations seraient un facteur déterminant dans la construction de la représentation situationnelle (et donc analogique) du texte. Elles auraient pour fonction de fournir des informations nouvelles qui viendraient compléter et restructurer le modèle initialement construit à partir du texte. Les résultats obtenus à la tâche de reconnaissance amorcée semblent soutenir ces hypothèses. En effet, les informations nouvelles apportées par le texte d’apprentissage ont tendance à être directement connectées aux connaissances initiales dans la condition où les illustrations sont placées après leurs descriptions verbales, tandis que les informations nouvelles ont tendance à rester compartimentalisées dans la condition où les illustrations sont placées avant leurs descriptions verbales.

Enfin, conformément à nos attentes, les résultats montrent que l’effet de la place des illustrations dans le déroulement de la lecture est fonction des connaissances initiales des lecteurs. Plus précisément, alors que les débutants ont plus de difficultés que les experts à accéder à leur représentation du texte accompagné par des illustrations d’états, il semble que la différence entre les deux groupes d’expertise soit moins importante dans la condition où les illustrations d’états sont présentées avant leurs descriptions verbales. Ainsi, la présence des illustrations d’états dans le texte affecterait moins les processus de compréhension mis en oeuvre par les débutants lorsqu’elles jouent le rôle d’organisateurs initiaux. D’autre part, les experts semblent accéder moins rapidement à la représentation du texte accompagné d’illustrations d’événements dans la condition où les illustrations sont présentées après leurs descriptions verbales. La présence d’illustrations d’événements inciterait les experts à traiter moins automatiquement le texte (i.e., à produire plus d’inférences), et ce d’autant plus que les illustrations d’événements ont la fonction de synthétiser les informations du texte, c’est-à-dire de mettre à jour le modèle initialement construit sur la base du texte.