0.2.2.1. INTERET D’UNE RECHERCHE EN SCIENCES DE GESTION

Issu à la base d’une formation purement économique, nous avons accumulé, durant nos années universitaires, de nombreuses connaissances dans les différents champs de l’économie (économie du travail, économie industrielle, économie internationale, économie financière…). Au travers de cette culture, nous avons acquis un point de vue d’économiste, une position et un regard spécifique d’observateur des faits économiques et sociaux. Les effets de cette culture économique ont eu comme principale influence de nous faire entrevoir l'objet d'étude scientifique avec une vision essentiellement externe. En sciences économiques en effet, la micro-économie étudie le comportement et les choix de l’individu en tant que consommateur ou en tant que producteur, puis les phénomènes qui résultent des interactions entre eux. Par opposition, la macro-économie s’intéresse aux phénomènes économiques globaux comme le revenu national, l’investissement global, la balance commerciale…

Ces deux matières, aux logiques apparemment différentes, ne nous ayant pas permis de rendre compte et surtout de fournir des explications cohérentes de certains phénomènes socio-économiques, nous nous sommes rapprochés petit à petit des sciences de gestion, sciences qui a priori permettaient d’enrichir et de préciser ce que nous avions entrevu en économie. La micro-économie en particulier, bien que s’appuyant sur une approche individuelle et non rationnelle (ce n’est pas l’opinion générale) des acteurs économiques et sociaux, reste impuissante à nous renseigner sur les causes profondes des situations et des phénomènes observés. Cela peut être attribué à la méthodologie utilisée pour la recherche. De part ses objectifs et son approche forcément partielle des choses (du fait de l’existence d’une approche macro-économique), la micro-économie ne prétend pas toujours analyser les rationalités internes à l’organisation et aux acteurs pour y étudier son fonctionnement et ses processus de décisions. Ainsi, ayant finalement peu accès au cœur de l’entreprise, peu de recherches en économie s’intéressent réellement à la problématique des salariés en situation d’illettrisme, et à leur place dans l’entreprise.

Les sciences économiques ne parviennent donc pas à un niveau d’analyse suffisant pour apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par cette catégorie de salariés, objet de notre thèse. Le passage à un niveau supérieur par le biais des sciences de gestion, vue comme une science différente et complémentaire aux sciences économiques, s'est par conséquent fait ressentir.

Ainsi nous nous sommes tournés vers les sciences de gestion et plus particulièrement vers la gestion socio-économique en raison des orientations méthodologiques et pédagogiques qu’elle prône en matière de recherche scientifique et d’observation des faits et phénomènes sociétaux. Comparativement à la micro-économie, la gestion permet en effet de percevoir l’historique des situations, d’étudier précisément les processus de changement et les interactions entre les différents acteurs de l’entreprise. C’est comme si la micro-économie utilisait un microscope pour analyser l’objet et que ses yeux d’observateur étaient impuissants à percer la carapace de l’organisation, considérée bien souvent en économie comme une « boîte noire », alors que la gestion utilise un « microscope électronique » permettant de visualiser l’essence des choses, chaque particule présente dans l’organisation et permet de passer outre la carapace de l’organisation pour y étudier de façon dynamique les interactions entre chaque acteur, tout en continuant à observer l’environnement externe économique et social de l’organisation.

Pour reprendre les mots de F. Wacheux (1996)10, les sciences de gestion présentent donc l'avantage de s'inscrire dans la volonté de connaître et d’expliquer des phénomènes sociaux dans l’organisation, et de donner aux acteurs les moyens de comprendre et d’agir sur les réalités. C’est en tous cas ce que nous sommes venu chercher dans les sciences de gestion et également notre conception de la recherche.

Notes
10.

WACHEUX F., 1996, op. cit., p. 36.