0.2.2.2. LA RECHERCHE EN SCIENCES DE GESTION

Afin de présenter notre conception de la recherche en sciences de gestion, nous ferons l’écho d’un débat qui anime la communauté de chercheurs, sur la définition d’une « bonne recherche en sciences de gestion ». Nous constatons en effet que selon les choix méthodologiques et épistémologiques inhérents à la construction du processus de recherche, les avis ou les critères retenus divergent. Ainsi, pour J.C. Usunier et al. (1993), une bonne recherche est une thèse soutenue avec succès, accompagnée de la publication d’articles dans des revues à comité de lecture et de la publication de rapports de recherche. Pour R.A. Thiétart (1999), une bonne recherche émerge de la qualité de l’aller-retour dialectique, de la cohérence et de la pertinence entre l’objectif, la méthode et l’analyse. Pour A. David (2000) le qualificatif de « bonne recherche » peut être donné lorsque le chercheur ne se contente pas de restituer de manière neutre des éléments de connaissance simplement mis en forme à partir d’éléments d’observation, mais qu’il revendique aussi la responsabilité des interprétations qu’il fait du fonctionnement et des évolutions possibles du système organisé qu’il étudie. Enfin, pour conclure sur ces différentes représentations de la recherche en sciences de gestion, nous reprenons la question soulevée par A.C. Martinet (1990) : une recherche doit-elle expliquer le monde ou le changer ?

Selon nous, la recherche ne doit pas seulement conduire à une meilleure compréhension des situations de gestion et des modes de management, mais elle doit aussi amener chaque acteur de l’entreprise à comprendre comment ils peuvent au mieux réaliser leurs tâches en définissant des méthodes et outils utiles aux praticiens. Ainsi, comme le souligne A.C Martinet (1990)11, « la recherche en gestion ne peut se satisfaire d’une visée strictement explicative, encore moins descriptive. Car il ne s’agirait plus de gestion, mais de sociologie ou d’économie d’entreprise ». Les recherches en sciences de gestion ont donc simultanément deux types d’objets de connaissance : les pratiques actuelles des acteurs sociaux au sein des entreprises et les concepts, méthodes et outils qui font évoluer cet état des pratiques (Savall, 1984)12. Dans ce cadre, des théories et des concepts émergent pour analyser, expliquer et, in fine, aider les dirigeants à conduire les activités de l’entreprise. Cette triple dimension (analyser – expliquer – aider) n’étant pas aussi explicite dans les autres sciences, les sciences de gestion peuvent ainsi être qualifiées de « science de l’action » (Wacheux, 1996)13.

Toute recherche en sciences de gestion se définit par trois facteurs structurants, trois composantes sur lesquelles la plupart des scientifiques s'accordent (Wacheux, 1996)14: le processus ne peut aboutir que s'il s'intéresse à un objet limité, circonscrit par un état des connaissances et une demande sociale ; la recherche est construite autour de la définition d'une question précise, représentative d'une volonté de démonstration, qui contribue, par des réponses et/ou des questions, à un ensemble de problématiques dans le champ de recherche envisagé ; la recherche nécessite la présence d’une méthodologie pertinente qui permet d'accéder, d'enregistrer et d'analyser les situations à partir de représentations et d'observations. A partir de là, les objectifs de la recherche doivent rentrer dans l'une ou plusieurs des catégories suivantes (Wacheux, 199615 ; Igalens et Roussel, 199816):

Les objectifs de notre recherche seront en plus de « maîtriser » notre sujet, de décrire le phénomène d’illettrisme, d’élargir les résultats de recherches sur l’illettrisme menées par des chercheurs de notre laboratoire et d’expliquer des causalités, en nous basant sur des théories relatives à la gestion des ressources humaines et au management stratégique et sur les résultats de recherches-interventions ou d’étude de cas17.

Notes
11.

MARTINET A.C., « Epistémologies et sciences de gestion », Economica, 1990, 249 p., p. 21.

12.

SAVALL H., « Développement et perspectives de la recherche en gestion en France au cours des prochaines années », Economies et Sociétés, Revue Sciences de Gestion, n°5, 1984, pp. 355-356.

13.

WACHEUX F., 1996, op. cit., p. 79.

14.

Ibid., p. 18.

15.

Ibid., p. 19.

16.

IGALENS J. et ROUSSEL P., « Méthodes de recherche en gestion des ressources humaines », Economica, Collection recherche en Gestion, 1998, 207 p.

17.

Cf. chapitre 2 pour la définition de la recherche-intervention et la présentation des terrains de recherche.