Le paradigme constructiviste s’est construit sur la base des travaux de J. Piaget, chercheur en psychologie de l’enfant, qui démontre que chaque enfant construit sa propre représentation de la réalité. En sciences de gestion, le constructivisme se caractérise par différents points : la réalité est socialement construite, ce qui traduit le fait que le monde n’est pas donné une fois pour toutes ; le changement et le processus de transformation de l’objet étudié ne sont pas des problèmes pour le chercheur mais des opportunités de recherche ; la neutralité de l’observateur, du chercheur, est considérée comme un mythe, car l’interaction entre observateur et observé est par définition la condition même de la connaissance.
Les fondements des épistémologies constructivistes sont selon J.L. Le Moigne (1990)36 :
A l’opposé, le paradigme positiviste prétend que le monde social existe de façon extérieure et donc que ses propriétés doivent être mesurées à travers des méthodes objectives, plutôt qu’être inférées subjectivement à travers des sentiments, des réflexions ou des intuitions (Usunier, 1993)37.
Le choix de nous inscrire dans le paradigme constructiviste pour réaliser notre recherche provient de différents facteurs. Le premier provient de notre volonté de mener une recherche proche du terrain en investissant les entreprises et organisations par une recherche-intervention. Dans ce cadre, nous nous sommes donc engagé dans un processus où la création de connaissances se combine avec le développement organisationnel et où nos relations avec les acteurs de l’organisation se manifestent inévitablement par de fortes interactions. Par cette volonté, nous avons ainsi privilégié une conception phénoménologique de la recherche en étudiant les phénomènes observés à partir d’actions de changement sur les objets observés. Le deuxième facteur qui explique le choix du constructivisme est notre objet de recherche. Les salariés en situation d’illettrisme ayant, en sciences de gestion, fait l’objet de peu de travaux dans la communauté académique, nous nous devions de mener une recherche interprétative et exploratoire à la fois pour comprendre, expliquer et tenter d’apporter des pistes de solution à la remédiation au phénomène d’illettrisme. Enfin, puisque comme le soulignent M. Girod-Séville et V. Perret (1999)38, le positivisme ne reconnaît comme scientifique qu’une méthode reposant sur le respect de la logique formelle et donc de la logique déductive, et n’ayant pas opté pour ce seul raisonnement, la quête de scientificité de notre recherche nous a amenés naturellement à nous tourner vers le constructivisme.
LE MOIGNE J.L., « Epistémologies constructivistes et sciences de l’organisation », pp. 81-140, in MARTINET A.C., 1990, op. cit., p. 105-106.
USUNIER J.C., EASTERBY-SMITH M. et THORPE R., 1993, op. cit., p. 33.
GIROD-SEVILLE M. et PERRET V., « Fondements épistémologiques de la recherche », in THIETART R.A. et coll., 1999, op. cit., p. 28.