0.3.1.3. UNE RECHERCHE « FONDAMENTALEMENT APPLIQUEE »

Les sciences de gestion, comme l’ensemble des sciences sociales ont hérité des sciences exactes une terminologie visant à préciser la distance d’une recherche par rapport à ses retombées dans les mondes professionnels.

Ainsi, la recherche fondamentale ou « pure » désigne des développements qui prennent la forme de découvertes de nouvelles idées ou d’explications d’un phénomène, la forme d’inventions comme la création de nouvelles techniques, de réflexions comme le réexamen d’une théorie, de modélisations, voire de conjectures (Usunier, 1993)45. Elle s’attaque généralement à une certitude, un paradoxe ou à une non-connaissance dans le champ (Wacheux, 1996)46. Elle est souvent assimilée à la recherche abstraite et ses applications apparaissent très éloignées dans le temps. A l’opposé, la recherche appliquée vise à offrir une solution à des problèmes très spécifiques et implique généralement le travail avec des clients qui ont identifié des problèmes (Usunier, 1993)47. Elle combine l’étude de modèles explicatifs et de modèles prescriptifs et met à l’épreuve soit une conceptualisation théorique sur des contextes spécifiques, soit part d’une certaine réalité pour induire ou construire une explication théorique (Wacheux, 1996)48. Dans ce type d’analyse, les retombées sont jugées proches, voire concomitantes à la production de connaissances scientifiques. Enfin, la recherche empirique désigne le test d’hypothèses ou la recherche de régularités en appliquant des méthodes statistiques au traitement des informations. Elle relève d’une posture positiviste avec une hypothèse de neutralité de l’observateur et une hypothèse de causalisme telle que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Notre recherche combine à la fois les objectifs de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée. Le fait d’avoir mené des recherches-interventions, en réponse à des demandes d’entreprise, nous a en effet permis de collecter des données de terrain illustrant les pratiques des entreprises et organisations en matière de lutte contre l’illettrisme. L’analyse de ces données et l’accompagnement de certaines de ces entreprises dans une dynamique de changement nous a ainsi incité à proposer ou à prescrire certaines logiques d’actions. Nous sommes ici dans la logique d’une recherche appliquée. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà souligné, nous avons procédé, dans l’élaboration et la validation de nos hypothèses descriptives, explicatives et prescriptives, par alternance entre des périodes de tests théorique et empirique. Nous avons ainsi, théoriquement, cherché à expliquer le phénomène d’illettrisme et à positionner notre réflexion et notre logique d’action de remédiation par rapport à certains modèles théoriques existants. La visée de notre recherche est donc ici proche de la recherche fondamentale.

Notes
45.

USUNIER J.C. et al., 1993, op. cit., p. 14.

46.

WACHEUX F., 1996, op. cit., p. 156.

47.

USUNIER J.C. et al., 1993, op. cit., p. 14.

48.

WACHEUX F., 1996, op. cit., p. 156.