0.4.3. LE FIL CONDUCTEUR

Le fil conducteur a plusieurs objectifs. Il permet, dans un premier temps, de clarifier l’objet et l’enjeu du sujet en identifiant, par mots clés, les principaux thèmes qui seront abordés tout au long de la recherche. Il incite, dans un second temps, le chercheur à édicter ses intentions scientifiques et ses objectifs pratiques en clarifiant le sujet et le raisonnement qui est utilisé pour faire la démonstration.

Pour répondre aux questions de l’objet de notre recherche, des problèmes identifiés, des propositions, de la démarche et des enjeux, nous proposons le fil conducteur suivant.

Nous rappelons que, selon l'INSEE73, 5.4 % des français reconnaissent avoir de réelles difficultés dans la lecture et l'écriture, par exemple pour rédiger un chèque ou une lettre pour l’Administration. Plus de 2.3 millions de personnes seraient donc, selon ce recensement, en situation d’illettrisme et la majorité « en âge de travailler ». L’illettrisme semble être un phénomène connu dans la société actuelle mais peu de commentaires ou d’analyses émergent du monde du travail. Pourtant les situations d’illettrisme en entreprise semblent bien réelles et sont accentuées par la montée en exigence du professionnalisme du personnel dans les entreprises. Cette montée en exigence est due à de multiples facteurs comme l’évolution des structures, des méthodes de travail ou encore des contraintes de l’environnement externe (qualité, flexibilité, rentabilité). Une tendance générale se dégage de ces nouvelles formes d’organisation du travail : le recours croissant à l’écrit sur tous les postes et à tous les niveaux hiérarchiques. Or pour les salariés qui souffrent d’un manque de formation dans les connaissances générales et techniques, qui ont perdu leurs acquis et leurs capacités d’apprentissage, l’intellectualisation du travail se traduit par une remise en cause de leur employabilité. C’est le cas des salariés en situation d’illettrisme.

Face à la méconnaissance des manifestations de ce « handicap » et au non-dit qui entoure ce phénomène dans les organisations, nos objectifs sont donc dans un premier temps, en argumentant, en justifiant ou en illustrant nos propos par des cas concrets rencontrés sur le terrain, de faire un « état des lieux » de l’illettrisme en entreprise, de le définir et de montrer pourquoi ce phénomène est de plus en plus important. Cette importance comporte deux niveaux : le premier niveau se mesure en termes de nombre de salariés « affectés » et le second, au travers de l’analyse de dysfonctionnements et l’évaluation des coûts qui en découlent, expose les incidences qualitatives et financières croissantes que génère le phénomène d’illettrisme. Cela nous conduit ainsi à nous interroger, au-delà des éléments conjoncturels, sur les causes profondes de l’illettrisme en entreprise en évoquant en particulier les lacunes des dispositifs de formation usuels, les lacunes du mode de management et l’irrationalité dans la prise de décision.

A partir de ces aspects à dominantes descriptive et explicative, qui visent à comprendre l’illettrisme et à montrer les enjeux de ce phénomène, nous abordons, dans un second temps, la partie prescriptive de notre recherche pour montrer quelles peuvent être les conditions de succès des actions de remédiation aux situations d’illettrisme. Ces conditions de succès se jouent selon nous à deux niveaux. Un premier niveau intra-organisationnel nous amène à proposer une logique d’actions par la formation intégrée, en nous positionnant par rapport aux théories sur l’apprentissage organisationnel et sur l’entreprise apprenante et en détaillant comment, concrètement, cette logique peut répondre à la fois aux besoins individuels et collectifs. Le second niveau aborde la question des relations entre l’entreprise et son environnement externe. De nombreuses compétences et connaissances et de nombreux moyens financiers semblent en effet disponibles à l’extérieur des entreprises sans que celles-ci n’en profitent pour agir plus efficacement contre le maintien ou le développement de l’illettrisme. Notre objectif est donc de montrer quel peut être, pour les entreprises et organisations, l’intérêt de coopérer avec ces acteurs économiques externes et comment certains entreprises ont profité d’une stratégie de partenariat pour mener des actions de remédiation réussies.

Notes
73.

INSEE, Enquête « Conditions de vie des ménages », 1993-1994.