Partant de la définition donnée par le G.P.L.I., nous définissons un salarié en situation d’illettrisme comme une personne ayant eu une formation initiale, mais qui n’a plus les capacités suffisantes pour faire face aux exigences de complexité croissante des opérations à réaliser dans les emplois, notamment en termes de recours à l’écrit. Ces capacités intellectuelles se définissent en termes de repères spatiaux et temporels, de capacités de raisonnement et d’emploi de machines usuelles. Elles font appel à la fois aux connaissances, aux compétences et aux savoir-faire.
Dans le cas des salariés en situation d’illettrisme, on constate plus particulièrement un déficit dans la maîtrise des connaissances. Comme nous le montrerons par la suite, ces salariés sont en effet pourvus d’un savoir-faire important et savent, dans un environnement quasi-stable, développer des compétences qui répondent au fonctionnement et aux attentes des entreprises. C’est donc le manque ou le caractère biodégradable des connaissances qui mène aux situations d’illettrisme.
Comme l’a montré D. Bouteiller (1997)109, les connaissances sont soumises, tout autant que les produits ou les services, à des cycles de vie avec des phases de développement, d’utilisation puis de déclin (figure 1.1).
Elles ne sont donc pas immuables et ne peuvent être considérées comme des éléments stables. Or dans le cas de salariés en situation d’illettrisme, le caractère éphémère des connaissances est d’autant plus préjudiciable que les connaissances, initialement acquises au travers de la formation initiale, ne sont pas intégrées. D’où un cycle de vie des connaissances particulier (figure 1.2).
Pour les salariés en situation d’illettrisme, les caractéristiques du cycle de vie sont les suivantes :
Les salariés en situation d’illettrisme sont donc des personnes qui ont un niveau de connaissances inférieur au niveau d’exigences des emplois. De plus, elles sont munies de connaissances que l’on peut qualifier de spécifiques puisqu’elles n’ont de valeur que dans le contexte professionnel dans lequel ces personnes évoluent. Les seules connaissances qu’ils ont apprises et entretenues sont en effet celles qui leur servent quotidiennement dans leur travail. Au fil du temps, face aux mutations du travail et des processus de production, ces salariés voient ainsi leur capital de connaissances diminuer et perdre de leur pertinence et de leur valeur. De plus, leur niveau de connaissances ne leur permettant pas d’accéder à des postes de haut niveau de qualification, leur position hiérarchique dans l’entreprise ne leur permet pas d’entretenir ce capital, voire de le développer. Les salariés en situation d’illettrisme subissent donc le phénomène d’obsolescence des connaissances plus rapidement que des salariés plus à l’aise dans les connaissances de base et peuvent difficilement se sortir de leur situation de faible niveau de qualification.
BOUTEILLER D., « Le syndrome du crocodile et le défi de l’apprentissage continu », Gestion, vol. 22, n°3, automne 1997, pp. 14-25.
Au sens de J. Pelosse qui définit l’employabilité comme « la capacité individuelle à se maintenir en état de trouver un autre emploi que le sien, dans ou hors métier exercé », in PELOSSE J., SAURET C. et THIERRY D., « Employabilité : définition et enjeux », Personnel, n°369, mai 1996, pp. 6-12.