1.1.2.1. LES SALARIES DE BAS NIVEAUX D’ADAPTATION

En parlant de « bas niveaux de qualification des salariés», on sous-entend que le niveau de qualification dépend notamment de la formation initiale et que la qualification permet l’employabilité de la personne (Thomas, 1994)111, même si d’autres facteurs sont également requis. Ainsi, partant de la formation, selon J. Thomas, trois types de « bas niveaux de qualification » pourraient être distingués :

  • il s’agit de salariés qui ont connu des difficultés au cours de leur parcours scolaire et qui n’ont, de ce fait, pas ou mal appris et/ou intégré les connaissances constitutives de la norme sociale,
  • il s’agit de personnes n’ayant pas connu d’échec scolaire mais dont les diplômes ne sont plus reconnus sur le marché du travail,
  • il s’agit enfin de salariés ayant suivi un parcours scolaire normal mais qui connaissent de grandes difficultés d’adaptation face par exemple à l’introduction de nouvelles technologies ou face à de nouvelles exigences dans le contenu de leur travail et qui sont contraints de se reconvertir ou de suivre une formation qualifiante.

Pour le cas des salariés en situation d’illettrisme, on admettra, lorsque l’on sera amené à parler de bas niveaux de qualification, que cela fait référence au premier cas évoqué par J. Thomas. Le cas des salariés perturbés par un contexte technique ou organisationnel changeant traduit lui aussi le vécu des salariés en situation d’illettrisme, mais diffère quant à la méthode et à la pédagogie à adopter pour remédier aux problèmes rencontrés.

On peut donc considérer qu’un salarié de faible niveau de qualification n’est pas forcément en situation d’illettrisme mais qu’un salarié en situation d’illettrisme est quasiment toujours de bas niveaux de qualification (figure 1.3). A contrario, une personne peut être considérée de « bas niveaux de qualification » en étant éloignée de situations d’illettrisme (Lucas, 1988)112, comme le montre la figure.

En fait, tout repose sur la signification du terme "niveau". Quand on étudie les lacunes des salariés en situation d’illettrisme, on constate que les difficultés rencontrées ne sont pas d'ordre purement technique. Ce qui fait défaut, c'est le niveau théorique sous-jacent à chaque activité et la capacité à prendre du recul par rapport aux tâches effectuées quotidiennement. Les difficultés de maîtrise des connaissances de base impliquent en effet que certains salariés rencontrent des difficultés face aux écrits, face aux mutations des systèmes de production et de leur environnement direct de travail et qu’ils manquent de confiance et de repères. Le salarié en situation d’illettrisme pèche donc par manque de capacité de représentation abstraite du travail réalisé. Plutôt que d'assimiler les illettrés à des « bas niveaux de qualification », il conviendrait plutôt, à notre avis, de les appréhender en terme de « faible niveau d'adaptation » qui reflète beaucoup mieux leur situation en entreprise. Car c'est bien le manque d'adaptation, de polyvalence qui nuit au maintien dans l'emploi.

Notes
111.

THOMAS J., « La qualification revisitée au travers de ce que l’on nomme les bas niveaux de qualification », Actes du Vième Congrès de l’AGRH, 1994, pp. 124-128.

112.

LUCAS A.M., « L’illettrisme lié à l’économique », Actualité de la Formation Permanente, n°96, 1988, p. 34.