2.1.2. LA THÉORIE SOCIO-ÉCONOMIQUE DES ORGANISATIONS

Nos travaux s’inscrivent dans la lignée des travaux expérimentaux menés dans le cadre de la théorie socio-économique des entreprises et des organisations développée par H. Savall. Cette théorie repose sur deux hypothèses : le facteur principal d’efficacité à court, moyen et long terme est le développement humain de l’entreprise et il existe dans toute entreprise, quel que soit son secteur d’activité et sa taille, des déperditions sociales, économiques et financières du fait de l’existence de dysfonctionnements liés à l’interaction entre les structures de l’entreprise et les comportements des hommes. Ces dysfonctionnements se manifestent par des anomalies, des erreurs, des perturbations et traduisent l’écart entre le fonctionnement souhaité ou fonctionnement normal (orthofonctionnement) et le fonctionnement réel. Ils en résulte une atrophie des performances économiques et sociales de chaque entreprise et organisation car selon H. Savall (1978)180, « la performance économique et sociale d’une organisation dépend de la qualité de l’interaction des structures de l’organisation et des comportements des hommes qui agissent au sein de cette organisation ».

La théorie socio-économique considère ainsi l’entreprise comme un ensemble complexe comprenant cinq types de structures de travail en interaction avec cinq types de comportements humains. Les structures (physiques, technologiques, organisationnelles, démographiques et mentales) sont supposées relativement stables et permanentes181. Les comportements (individuels, de groupe d’activité, catégoriels, de groupe d’affinité et collectifs) se caractérisent par leur nature conjoncturelle et leur relative instabilité.

Les dysfonctionnements sont classés en six familles qui constituent simultanément autant de domaines de solutions pour les réduire : les conditions de travail, l’organisation du travail, la (communication-coordination-concertation), la gestion du temps, la formation intégrée et la mise en œuvre stratégique.

Le modèle général de la théorie socio-économique est schématisé à l’aide d’un trèfle qui est présenté en figure 2.3.

Figure 2.3 : Modèle général de la théorie socio-économique

De 1973 à 1977, l’analyse socio-économique a été centrée sur la recherche de méthodes pour identifier et évaluer les coûts cachés des dysfonctionnements. Ces coûts sont dénommés « coûts cachés », par opposition aux coûts visibles, dans la mesure où ils sont diffus, sans dénomination, sans système de surveillance et parce qu’ils n’apparaissent pas dans les systèmes d’information classiques de l’entreprise (budgets, comptabilité générale, …). Ils sont regroupés en cinq indicateurs : l’absentéisme, les accidents du travail, la rotation du personnel, les défauts de qualité des produits et les écarts de productivité directe et en cinq composants : les sursalaires, les surtemps, les surconsommations, les non-productions et les non création de potentiel. Un des objectifs de la théorie socio-économique est de montrer qu’il est possible d’évaluer les « coûts cachés » d’une entreprise ou d’une organisation à partir d’une analyse des impacts financiers de la régulation des ces dysfonctionnements.

Sur la base de cette hypothèse fondamentale, l’équipe de l’ISEOR étudie et élabore des concepts et outils qui visent à améliorer le fonctionnement ainsi que le niveau de performances économiques et sociales des entreprises et des organisations.

Notes
180.

SAVALL H., « Propos d’étape sur la régulation socio-économique dans l’entreprise par la recherche de la compatibilité de l’efficience économique et du développement humain », Rapport au 7ème Colloque International du Collège de France sur l’idée de régulation dans le mouvement des sciences, organisé par François PERROUX et présidé par Jean PIAGET, décembre 1977, Revue d’Economie Appliquée, n°4, 1978, 36 p.

181.

SAVALL H. et ZARDET V., « Maîtriser les coûts et les performances cachés. Le contrat d’activité périodiquement négociable », Préface de M.A. LANSELLE, Avant-propos de J.M. DOUBLET, Economica, Prix Harvard l’Expansion de management stratégique, 1987, deuxième édition augmentée, 1989, 351 p., pp. 153-161.