2.2.1.3. LA RECHERCHE CLINIQUE

La recherche clinique est définie par E.H. Schein comme un projet au cours duquel le client et le chercheur collaborent dans la résolution de problèmes organisationnels. Dans ce cas, c’est la demande du client qui dicte le rythme de la recherche. Ce contexte de la recherche est celui dans lequel nous avons collecté et analysé les données des entreprises de traitement et de conditionnement de poissons (A) dans les entités de produits frais (A1) et de produits surgelés (A2), d’aciers spéciaux (B), de chimie (F) et de transport en commun (G). Dans chacune de ces entreprises, des chercheurs du laboratoire de l’ISEOR ont réalisé, à la demande de l’entreprise, une intervention socio-économique.

L’entreprise (A), qui a fait l’objet de notre expérimentation, est un groupe du secteur industriel composé de quatre sociétés réunies sur le même site : une société de fabrication de produits surgelés (A2), une société de fabrication de produits frais (A1), une société de négoce et une société de formation. L’ensemble de ces structures comptait 370 salariés dont 95 % de personnel non cadre. L’entreprise a subi simultanément une très forte hausse des cours de ses principales matières premières et une forte concentration de ses clients qui a entraîné une réduction des marges commerciales. Cela a provoqué une montée du niveau d’exigence en terme de sécurité alimentaire remettant en cause l’organisation de l’usine. Après avoir constaté de lourdes défaillances en terme de mise en œuvre des programmes de modernisation des outils de production et en terme de compétences, l’entreprise a fait appel à l’ISEOR pour conduire une intervention dont les objectifs principaux étaient de relever les compétences de l’ensemble du personnel et la recherche de gains immédiats de productivité. Une intervention « classique » (diagnostics, projet, mise en œuvre, évaluation) a donc été menée durant deux années par une équipe composée de sept chercheurs. Parallèlement et en complément de cette action de changement, l’entreprise a développé un véritable plan de requalification du personnel et de l’encadrement en insistant sur l’apprentissage des savoirs de base. Ce plan de formation, au vu de sa lourdeur en termes d’organisation, de planification et de financement a donné naissance à une structure de formation indépendante, constituant ainsi la quatrième société du Groupe.

L’entreprise d’aciers spéciaux (B), qui a fait l’objet de notre analyse, fait partie d’un groupe qui compte trois établissements. Ce groupe joue un rôle de premier plan au niveau national et international dans le développement des aciers et des alliages à hautes caractéristiques, exigés par les industries de pointe comme l’aéronautique et le nucléaire. Cette entreprise compte 1400 salariés, dont une forte population étrangère. Les données que nous avons exploitées proviennent de deux sources :

L’entreprise (F) est une entreprise d’agrochimie qui compte 370 salariés dont 160 ouvriers. Elle réalise principalement des produits de traitement et de protection des cultures sous forme de poudres et de liquides. Cette entreprise avait pour projet de faire évoluer les technologies mais avait dû revoir ses objectifs de modernisation à la baisse du fait de ses difficultés de mise en œuvre face à la présence d’un taux élevé de personnel de bas niveau de qualification et d’illettrés. Face aux coûts exorbitants de la formation qui avait été mise en place en réaction à ce problème, elle avait dans un premier temps cessé ses formations d’alphabétisation et tentait tant bien que mal de faire fonctionner ses unités. Le GPLI, en contact avec cette entreprise, a alors sollicité l’ISEOR pour mener une recherche sur l’illettrisme et apporter une assistance à l’entreprise dans la gestion des personnes les plus en difficulté dans la maîtrise des connaissances de base. Les objectifs de cette assistance étaient d’aider les salariés en situation d’illettrisme à mieux utiliser les équipements en place, à maîtriser et appliquer les procédures et à être polyvalents. Cette expérimentation a été conduite durant une période de six mois et a eu lieu sur deux ateliers de l’usine. Une trentaine de personnes de très bas niveau de qualification ont été intégrées au dispositif mis en place.

L’entreprise de transport en commun (G), implantée dans un pays de l’Union Européenne, est une entreprise publique qui compte près de 750 salariés. Son activité est basée sur la gestion d’un parc de 350 véhicules pour offrir à la population de la zone dont elle a la responsabilité un service de transport. Elle est composée de 14 unités : huit dépôts, un atelier et cinq centres d’entretien. L’objectif de l’entreprise, en sollicitant les chercheurs de l’ISEOR, était d’une part de l’aider à réduire et maîtriser ses coûts de fonctionnement afin de répondre aux exigences financières de son contrat de gestion et, d’autre part, d’améliorer son fonctionnement tant sur le plan organisationnel que procédural en mettant en place des outils de gestion efficaces. Une équipe de quatre chercheurs, dont nous n’avons pas fait partie, a mené cette intervention. Le cahier des charges négocié avec l’entreprise prévoyait plusieurs diagnostics de dysfonctionnements : auprès des services administratifs, des services commerciaux et des services techniques. Notre exploitation de données s’est portée essentiellement sur les services techniques du fait de leur forte représentation en salariés faiblement qualifiés.

La figure suivante (figure 2.12) récapitule les principales caractéristiques des entreprises de notre base expérimentale.

Figure 2.12 : Caractéristiques des terrains d’expérimentation
Code entreprise Secteur d’activité Nombre de salarié Entrée par l’illettrisme
Entreprise A1 Industrie 210 Non
Entreprise A2 Industrie 160 Non
Entreprise B Industrie 1400 Non
Entreprise C Industrie 20 Oui
Entreprise D Industrie 2500 Oui
Entreprise E Service public 1000 Oui
Entreprise F Industrie 370 Oui
Entreprise G Service public 750 Non
Entreprise H Industrie 481 Oui
Entreprise I Service public 6000 Oui