3.1.2. L’ANALYSE DES DONNEES QUALITATIVES

3.1.2.1. ANALYSE STATISTIQUE

Le tableau suivant (figure 3.12) présente, en pourcentage la représentativité des phrases-témoins sélectionnées à l’aide de notre grille de lecture.

Figure 3.12 : Tableau de représentativité des phrases-témoins sélectionnées
Figure 3.12 : Tableau de représentativité des phrases-témoins sélectionnées

Il apparaît à la lecture de ce tableau que les phrases-témoins sélectionnées à l’aide de notre propre grille de lecture sont très peu représentatives de l’ensemble des idées exprimées par les acteurs des cinq entreprises diagnostiquées. Cela s’explique en grande partie par le fait que les intervenants-chercheurs de l’ISEOR ne sont pas rentrés dans ces entreprises par « la porte de l’illettrisme » et avaient à travailler sur des problématiques beaucoup plus larges. Plusieurs enseignements peuvent néanmoins être tirés de cette analyse statistique.

Le premier enseignement est que le personnel d’encadrement, et tout particulièrement l’encadrement de proximité représenté par des chefs d’atelier, des chefs d’équipe, des chefs de maintenance ou d’entretiens, semble a priori plus affecté par les difficultés rencontrées par certains de leurs subordonnés dans la maîtrise des connaissances de base que les salariés eux-mêmes. Ainsi deux fois plus d’expressions de cette population ont été retenues dans notre nomenclature. Cela peut s’expliquer en partie par leur plus grande facilité à détecter les problèmes ou les anomalies du fait de leur position hiérarchique et de leur capacité à prendre du recul par rapport aux événements. Mais cette plus forte représentativité d’expression de l’encadrement s’explique aussi et surtout par les nombreuses perturbations et pertes de temps qu’ils subissent du fait de manque de compétences ou de connaissances des salariés de base.

Le second enseignement que nous pouvons dégager de cette analyse, fait écho à la faible représentativité des phrases-témoins sélectionnées dans la population du personnel de base. Si seulement 3.2 % des expressions des salariés de base, opérateurs, agents de maintenance, agents d’entretien, manutentionnaire,… ont un rapport direct ou indirect, visible ou caché avec l’illettrisme et la difficulté à lire et écrire, c’est en partie à cause du tabou et de la dissimulation qui entourent ce « handicap ». Bien souvent les salariés en situation d’illettrisme cachent en effet leurs difficultés par des stratégies de contournement à un tel point que la majorité de leurs collègues n’ont même pas conscience qu’ils ont des lacunes. Cela explique la faible expression spontanée sur ce problème. Pourtant le phénomène d’illettrisme était bien présent dans ces entreprises (figure 3.13).

Enfin, le troisième enseignement de ces données est qu’il est très difficile pour une organisation de lutter contre l’illettrisme du fait de la non-révélation des réelles difficultés rencontrées par les salariés. Les terrains étudiés nous montrent que les salariés en situation d’illettrisme ne se manifestent pas auprès de leur hiérarchie pour leur faire part de leurs lacunes et de leurs difficultés sur leur poste de travail et que peu d’actions de remédiation aux situations d’illettrisme ont été engagées.

Figure 3.13 : Estimation du nombre de salariés en situation d’illettrisme par entreprise
Figure 3.13 : Estimation du nombre de salariés en situation d’illettrisme par entreprise Le Monde du 8 octobre 1999, annonçait que 9.7 % des jeunes hommes convoqués aux Journées d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD) se montrent incapables de lire et de comprendre des documents de la vie courante ; INSEE Première, n°27 en 1989 annonçait que 9 % des personnes valides étaient illettrées. Après modification de la définition, l’INSEE annonçait en 1994 que 5.4 % des français avaient des difficultés pour lire, ou parler ou écrire. Nous avons donc opté pour ce dernier taux même s’il semble ne pas correspondre à la réalité du terrain. Pour l’ensemble de ces chiffres, voir FRAENKEL B. et MOATTY F., « La mesure de la littératie au travail : résultats, problèmes, perspectives », pp. 33-44, in EL HAYEK C. (Coord.), « Illettrisme et monde du travail », La Documentation Française, Collection « En Toutes Lettres », 2000, 434 p. , Une étude réalisée auprès de demandeurs d’emploi dont les résultats sont publiés in ESPERANDIEU V. et VOGLER J., « L’illettrisme », Flammarion, 2000, 121 p., p. 45, montre que près de 25 % d’entre eux sont en situations d’illettrisme. , D’après la part de salariés en situations d’illettrisme dans la population active. , D’après la participation de salariés dits de base à des dispositifs de formation axés sur la remise à niveau dans les connaissances de base. , Estimation réalisée sur la base des nouvelles vagues de formation à mettre en place déjà organisées par certaines entreprises, et calculée en vertu des caractéristiques de ces entreprises de secteur industriel, secteur le plus « touché » par le phénomène d’illettrisme, en partie de part une conception taylorienne de l’organisation du travail nécessitant, il y a quelques années, peu de qualification.
Notes
237.

Le Monde du 8 octobre 1999, annonçait que 9.7 % des jeunes hommes convoqués aux Journées d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD) se montrent incapables de lire et de comprendre des documents de la vie courante ; INSEE Première, n°27 en 1989 annonçait que 9 % des personnes valides étaient illettrées. Après modification de la définition, l’INSEE annonçait en 1994 que 5.4 % des français avaient des difficultés pour lire, ou parler ou écrire. Nous avons donc opté pour ce dernier taux même s’il semble ne pas correspondre à la réalité du terrain. Pour l’ensemble de ces chiffres, voir FRAENKEL B. et MOATTY F., « La mesure de la littératie au travail : résultats, problèmes, perspectives », pp. 33-44, in EL HAYEK C. (Coord.), « Illettrisme et monde du travail », La Documentation Française, Collection « En Toutes Lettres », 2000, 434 p.

238.

Une étude réalisée auprès de demandeurs d’emploi dont les résultats sont publiés in ESPERANDIEU V. et VOGLER J., « L’illettrisme », Flammarion, 2000, 121 p., p. 45, montre que près de 25 % d’entre eux sont en situations d’illettrisme.

239.

D’après la part de salariés en situations d’illettrisme dans la population active.

240.

D’après la participation de salariés dits de base à des dispositifs de formation axés sur la remise à niveau dans les connaissances de base.

241.

Estimation réalisée sur la base des nouvelles vagues de formation à mettre en place déjà organisées par certaines entreprises, et calculée en vertu des caractéristiques de ces entreprises de secteur industriel, secteur le plus « touché » par le phénomène d’illettrisme, en partie de part une conception taylorienne de l’organisation du travail nécessitant, il y a quelques années, peu de qualification.