Evolution des exigences en termes de compétences

Trois principales évolutions peuvent être observées :

  • L’évolution des technologies et généralisation de l'informatisation. L'accélération de l'évolution technologique entraîne une distanciation entre le monde physique et le travail à réaliserii. A titre d'exemple, les opérateurs dans l'industrie sont de moins en moins en contact direct avec la matière car ils doivent contrôler les variables de fabrication à partir d'écrans et de synoptiques. De même les employés de tous types d'entreprises utilisent de plus en plus la microinformatique pour gérer leurs données. La base du travail est désormais faite de signes. Les personnes en situation d'illettrisme ont sans doute plus de difficultés que d'autres à mettre en oeuvre un apprentissage de savoirs abstraits, notamment en raison de leurs manques de repères.
  • L’évolution de la structure des emplois. Les emplois de faible niveau de qualification et exigeant peu de recours à l'écrit correspondent le plus souvent à des activités fortement concurrencées par des pays à bas salaires. Cela est observé en particulier dans les productions à fort taux de main d'œuvre comme le textile, l'habillement ou les industries de montage. Dans de tels secteurs, ne se développent en France que des emplois liés à la création ou à la maintenance d'équipements très automatisés. On peut ajouter à cela que l'évolution de la structure des qualifications dans le secteur manufacturier est passée dans les trente dernières années d'un profil 10% de niveau moyen et 70% de bas niveau de qualification à un profil presque inversé. La distinction entre secteur manufacturier et secteur tertiaire est aussi devenue très artificielle. De nombreux emplois du "secondaire" sont en fait des activités de service qui ne relèvent pas de la fabrication, telles l'ingénierie, la vente et la commercialisation, la distribution, la communication, le marketing, etc...
    En outre, l'économie française, comparativement à d'autres, a peu développé des emplois de services de proximité. Or ce sont en général des emplois dans lesquels s'insèrent plus facilement des personnes en situation d'illettrisme que dans ceux situés dans des industries de haute technologie.
  • La situation particulière du marché du travail. Un autre facteur expliquant les difficultés croissantes des personnes en situation d'illettrisme pour trouver un emploi est que le déséquilibre actuel du marché du travail entraîne une élévation du niveau de sélection. A titre d'exemple, le niveau des concours dans le secteur public et para public est aujourd'hui largement supérieur à ce que les postes exigent réellement en termes de compétences. Cela entraîne à la fois un gâchis de talents, de coûteux dysfonctionnements liés à la frustration des nouveaux embauchés ainsi qu'un phénomène d'exclusion des personnes faiblement qualifiées.

Notes
ii.

Sur ce sujet, voir par exemple B. Schwartz, Moderniser sans exclure, La Découverte, Paris, 1994, 244p.