2 - L’initiation propre aux filles

L’initiation des filles ne revêt pas un caractère ésotérique au Kasaï. La famille, et surtout la mère, prépare sa petite fille à assumer son rôle de mère et de ménagère. Elle lui apprend à faire la cuisine et la vaisselle, à ramasser du bois mort, à rechercher de l’eau à la source. Elle lui apprend des métiers comme la céramique, l’agriculture, l’élevage, la pêche. Dans nombre de familles, la jeune fille apprend la danse, les chants poétiques funéraires, les chants héroïques, kasala. Elle doit mobiliser un certain nombre d’habiletés. Et ce sont les habiletés plus que le physique qui importent pour d’éventuels fiancés.

Ce sont surtout les grand-mères, les tantes, les aînées qui assurent l’éducation sexuelle de la jeune fille. Mais il y aussi dans certains villages des femmes reconnues à qui on confie les filles. A la veille de la puberté, la mère envoie sa fille à la femme initiatrice du village ou la rapproche de sa parente avec laquelle elle sympathise le mieux. C’est elle qu’on charge de donner l’éducation sexuelle à la fille. Par son aménité, ses propos enjoués, ses questionnements insidieux, l’éducatrice désignée donne des leçons à la jeune fille et la met en état de se dévoiler, de dire ce qu’elle ressent dans son corps. Ainsi elle en profite pour lui donner des informations idoines. On insiste notamment sur la virginité à garder. La jeune fille qui ne saura pas rester intacte avant le mariage verra son époux refuser d’offrir la chèvre à sa mère considérée traditionnellement comme la gardienne de cette perle qu’est la virginité.

La mère génitrice reste en permanence en contact avec l’éducatrice de son enfant et tient le père informé. C’est bien vrai, les premières règles de la fille sont très attendues par ses parents qui les considèrent comme un signe avéré de la fécondité de leur progéniture. Qu’il plaise de le dire, la stérilité n’est pas acceptée par les Kasaïens. Elle est source de conflits interminables.

On ne pratique pas la clitoridectomie. L’excision pour supprimer le clitoris n’existe pas au Kasaï. Par contre, les filles sont initiées à rallonger leur clitoris. Cela est la marque de civilité pour la fille et renforce les rapports conjugaux, dit-on59.

A la veille du mariage, le même scénario se répète. L’éducatrice désignée donne à la fille des informations claires sur le rôle et la place de la femme dans le foyer, les rapports conjugaux, ses devoirs, ses droits comme mère et épouse, les droits et les devoirs du mari. Cela n’enlève rien aux devoirs de la mère génitrice de prodiguer de sages conseils à sa fille.

Enfin l’apprentissage définitif des travaux ménagers se fait auprès de la belle-mère. Cette dernière parachève ce qui avait été commencé. En fait, il s’agit pour la jeune mariée d’articuler les deux apprentissages pour l’harmonie du jeune couple. Sa famille l’y a déjà préparée.

Comme nous l’avons fait savoir pour l’initiation des garçons, on immerge dans l’environnement. On se borne à faire comme les ancêtres. L’éducation s’inscrit dans le seul mouvement de la nature et fait fond sur la sociabilité naturelle de l’homme. La pédagogie initiatique n’est nullement orientée vers la spéculation et la recherche. Elle est essentiellement existentielle et adaptative. C’est une école de la vie pour la vie au Kasaï des ancêtres.

Notes
59.

NTAMBWE (B.), op. cit., p. 149.