C La théorie de Kant de deux sources de la connaissance : la sensibilité et l’entendement

Pour Kant, toutes nos connaissances commencent avec l’expérience, la sensation, c’est-à-dire l’impression produite par un objet sur la sensibilité. C’est par elle et sur elle que notre faculté à connaître est appelée à s’exercer. Les objets qui frappent les sens, d’une part produisent par eux-mêmes des représentations, et d’autre part mettent en mouvement l’activité intellectuelle et l’excitent à les comparer, à les unir, à les séparer, etc. « ‘Ainsi, note Kant, dans le temps aucune connaissance ne précède en nous l’expérience, et toutes commencent avec elle ’»195.

Toute connaissance commence avec l’expérience, mais cela ne signifie nullement qu’elle dérive toute de l’expérience comme Hume le prétendait. La connaissance expérimentale est un composé de ce qu’on reçoit par des impressions, et de ce que la faculté de connaître tire d’elle-même n’étant qu’excitée par ces impressions sensibles. La connaissance qui ne dépend absolument d’aucune expérience est, pour Kant, a priori, et la connaissance empirique est celle qui n’est possible qu’a posteriori, c’est-à-dire par le moyen de l’expérience. Les connaissances a priori pures sont celles auxquelles rien d’empirique n’est mêlé. Dans cette proposition : tout changement a une cause, est un proposition a priori, mais non pure, parce que le changement est un concept qui provient de l’expérience.

La connaissance découle dans l’esprit de deux sources principales à savoir la capacité de recevoir les représentations (la réceptivité des impressions), et la faculté de connaître un objet au moyen de ces représentations (la spontanéité des concepts). Par la première source un objet est donné, par la seconde, il est pensé dans son rapport à cette représentation (comme simple détermination de l’esprit). Les deux éléments de toute connaissance humaine sont donc l’intuition et le concept. Ainsi ni les concepts sans une intuition qui leur correspond de quelque manière, ni une intuition sans les concepts ne peuvent fournir aucune connaissance. La connaissance procède de l’intuition sensible et de l’entendement.

C’est à la distinction classique dans les philosophies anciennes entre les objets sensibles et les objets intelligibles que Kant emprunte sa distinction entre la sensibilité et l’entendement. La sensibilité est la faculté des intuitions, et l’entendement la faculté des concepts. Intuition, du mot latin intueri : voir, signifie ‘« la vue directe et immédiate d’un objet de pensée actuellement présent à l’esprit et saisi dans sans sa réalité individuelle’ »196

Il n’y a intuition que si un objet est donné. ‘« De quelque manière et par quelque moyen qu’une connaissance puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédiatement à eux et que toute pensée prend comme moyen pour les atteindre est intuition’ »197. La faculté des intuitions est la sensibilité, ou la capacité de recevoir des représentations, ou encore réceptivité des impressions. Cela veut dire qu’il n’y a que des intuitions sensibles et non des intuitions intellectuelles pour l’homme. Dans une intuition intellectuelle, l’esprit se donnerait à lui-même l’objet qu’il voit. Un tel mode de connaissance ne peut appartenir à l’homme. L’intuition humaine suppose qu’un objet soit donné qui affecte l’esprit.

L’entendement ne peut que penser les objets fournis par la sensibilité. C’est un pouvoir de connaître non sensible. Par opposition à la réceptivité qui définit la sensibilité, l’entendement est une spontanéité, c’est-à-dire une faculté de produire des représentations. La sensibilité fournit des intuitions, et les représentations de l’entendement sont des concepts. La connaissance de tout entendement humain est une connaissance par concepts, non intuitive, mais discursive.

Ce volet au sujet de la théorie de la connaissance de Kant comprend deux points. Le premier analyse la sensibilité et le deuxième l’entendement humain. Cela correspond à ce que Kant appelle respectivement esthétique transcendantale (science des règles de la sensibilité en général), et logique transcendantale (science des règles de l’entendement en général).

Notes
195.

KANT (E.), op. cit., p. 57.

196.

Cfr. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophique

197.

KANT (E.), op. cit., p. 81.