A Du développement mental de l’enfant et de l’adolescent

D’après Jean Piaget, le développement de la vie mentale pourrait être conçu comme évoluant dans la direction d’une forme d’équilibre. Le développement de l’homme est une sorte d’équilibration progressive, « ‘un passage perpétuel d’un état de moindre équilibre à un état d’équilibre supérieur ’»348. A chaque moment de son développement l’être humain a besoin de son environnement pour se construire. L’être humain optimise ses échanges avec le milieu, s’auto-construit dans ses actions en intégrant aussi bien les produits que les mécanismes de sa pensée.

Qu’il s’agisse de l’enfant ou de l’adulte, l’action suppose toujours un intérêt qui la déclenche. Ce besoin peut être physiologique, affectif ou intellectuel. Dans ce dernier cas de figure, le besoin se présente sous forme d’une question de recherche ou d’un problème. Et d’une manière générale, on peut soutenir que ‘« toute action - c’est-à-dire tout mouvement, toute pensée ou tout sentiment - répond à un besoin. L’enfant, pas plus que l’adulte, n’exécute aucun acte, extérieur ou même entièrement intérieur, que mû par un mobile, et ce mobile se traduit toujours sous la forme d’un besoin (un besoin élémentaire ou intérêt, une question, etc.) ’»349.

Il n’y a besoin que lorsque quelque chose en nous ou en dehors de nous a changé, et qu’il s’avère impérieux de réajuster la conduite en fonction de cette perturbation. L’action ne se terminera que lorsqu’il y aura satisfaction du besoin, lorsque l’équilibre aura été rétabli. « ‘A chaque instant, pourrait-on dire ainsi, écrit Piaget, l’action est déséquilibrée par les transformations qui surgissent dans le monde, extérieur ou intérieur, et chaque conduite nouvelle consiste non seulement à rétablir l’équilibre, mais encore à tendre vers un équilibre plus stable que celui de l’état antérieur à cette perturbation’ »350.

Il va sans dire que tout besoin tend 1° à incorporer le monde extérieur (les choses et les personnes) à l’activité propre du sujet, donc à assimiler le monde extérieur aux structures déjà construites, aux schèmes de la conduite, ces schèmes n’étant autres que le canevas des actions susceptibles d’être répétées activement ; 2° à réajuster ces schèmes en fonction des transformations subies, donc à les accommoder au monde extérieur351.

Toute la vie mentale, comme d’ailleurs la vie organique elle-même, tend assimiler progressivement le milieu ambiant, et elle réalise cette incorporation grâce à des structures, ou organes psychiques dont le rayon d’action est de plus en plus étendu. A chaque niveau du développement humain, l’esprit remplit la fonction d’incorporer l’univers à lui. En assimilant les objets, l’action et la pensée sont obligées de s’accommoder à eux. L’adaptation est l’équilibre de ces assimilations et accommodations. Pour Piaget, ‘« on peut définir l’adaptation comme un équilibre entre l’assimilation et l’accommodation, ce qui revient donc à dire un équilibre des échanges entre le sujet et les objets’ »352.

En parcourant les grandes étapes de l’évolution mentale de l’enfant et de l’adolescent établies par Piaget, il apparaît clairement que l’environnement est incontournable dans la construction de l’intelligence et de la connaissance. Qu’il s’agisse du stade sensori-moteur, ou du stade préopératoire, qu’il s’agisse du stade concret, ou même du stade opérationnel ou formel, l’être humain ne se passe pas de son environnement pour se construire et construire ses connaissances. Qu’il nous soit permis de parcourir succinctement ces quatre stades pour comprendre la place de l’environnement dans la construction de l’homme. C’est vrai, notre étude porte avant tout sur les apprenants du secondaire, donc les adolescents, mais la notion des stades est essentielle dans la psychologie de Piaget. Selon le savant genevois, on ne peut pas connaître la psychologie de la connaissance de l’adolescent et de l’adulte si on fait l’économie de celle de l’enfant. 011

Notes
348.

PIAGET (J.), La psychologie de l’intelligence, Paris, Armand Colin, 1967, p. 1.

349.

PIAGET (J.), Six études de psychologie, Paris, Denoël, 1964, p. 15.

350.

PIAGET (J.), Six études de psychologie, p. 16.

351.

PIAGET (J.), Six études de psychologie, p. 17.

352.

PIAGET (J.), Six études de psychologie, p. 14.