1 - Au cours du stade sensori-moteur (de 0 à 18-24 mois)

Le stade sensori-moteur (sens et actions) est la période qui s’étend de la naissance à l’acquisition du langage. Cette période est marquée par un développement mental insoupçonné dans la mesure où il ne s’accompagne pas de paroles qui permettent de suivre le progrès de l’intelligence et des sentiments. L’enfant conquiert par la perception et les mouvements tout l’univers pratique qui l’entoure. Sans langage, l’enfant se construit et construit ses schèmes grâce à son rapport à l’environnement. « ‘En ses débuts, note Piaget, l’assimilation est essentiellement l’utilisation du milieu externe par le sujet en vue d’alimenter ses schèmes héréditaires ou acquis’ »353. 011

Des réflexes, schèmes, entre autres ceux de la succion, de la vision, de la préhension ont besoin de s’accommoder sans cesse aux choses. Mais les nécessités de cette accommodation contrecarrent souvent l’effort assimilateur. L’accommodation à ce niveau demeure indifférenciée des processus assimilateurs et ne donne lieu à aucune conduite spéciale, mais consiste simplement en un ajustement de ceux-ci au détail des choses assimilées. Au point de départ de son développement, le petit enfant ramène tout à lui, à son propre corps. Et lorsque débuteront le langage et la pensée, il se situera déjà pratiquement à titre d’élément ou de corps parmi les autres, dans un univers qu’il aura construit peu à peu et qu’il sentira désormais comme extérieur à lui354.

Au cours de ce stade l’enfant se structure et structure son intelligence à la faveur des manipulations des objets. On verra à titre d’exemple l’enfant saisir une baguette pour attirer un objet éloigné, tirer le support sur lequel il est posé, etc. Il est intéressant de constater que le bébé ne va plus se contenter de reproduire simplement les mouvements et les gestes qui l’ont conduit à un résultat intéressant : ‘« il les varie intentionnellement pour étudier les résultats de ces variations et se livre ainsi à de vraies explorations ou ‘expériences pour voir’. Chacun a pu observer, par exemple, le comportement des enfants de douze mois environ consistant à lancer à terre les objets, dans une direction ou dans une autre, pour analyser les chutes et les trajectoires. D’autre part, les ‘schèmes’ d’action, construits... et multipliés grâce à ces nouvelles conduites expérimentales, deviennent susceptibles de se coordonner entre eux, par assimilation réciproque, à la manière de ce que seront plus tard les notions ou les concepts de la pensée elle-même’ »355.

On verra en outre l’enfant en présence d’un objet nouveau pour lui l’incorporer successivement à chacun de ses schèmes d’action. Il va le frotter, le secouer, le balancer... comme pour le comprendre par exercice et usage. Pour Piaget, le résultat de ce développement intellectuel est de transformer la représentation des choses.

La révolution intellectuelle accomplie durant les deux premières années de l’existence est caractérisée par quatre processus fondamentaux à savoir les constructions des catégories de l’objet et de l’espace, de la causalité et du temps. Ces catégories sont construites grâce à l’assimilation des choses de l’environnement et à l’accommodation à ces choses.

Notes
353.

PIAGET (J.), La construction du réel chez l’enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1967, pp. 307-308.

354.

PIAGET (J.), Six études de psychologie, p. 19.

355.

PIAGET (J.), Six études de psychologie, p. 22.