De la géographie et de l’histoire

L’éducation ancestrale cherche à ce que les enfants et les adolescents connaissent leur histoire, leur géographie, leur environnement. Très tôt on apprend aux nouveaux-venus dans le monde leur situation géographique, leur passé. Ils apprennent les noms de rivières, de lacs, de collines qui les entourent. Ils apprennent leur généalogie, l’histoire de leurs ancêtres, de leur clan et tribu, de grands chefs de leur ethnie, etc. C’est d’ailleurs une des raisons d’être de certains contes et proverbes, du chant héroïque kasala, de l’initiation, etc. Le souci des Anciens est que les jeunes sachent bien se situer, qu’ils sachent d’où ils viennent, où ils vivent et où ils vont.

Cela rejoint la préoccupation des auteurs que nous avons étudiés. Pour la géographie par exemple, Rousseau souhaite que les deux premiers points soient la ville où l’apprenant demeure et la maison de son père, ensuite les lieux intermédiaires, les rivières de voisinage, etc. Chez Pestalozzi, l’enseignement de géographie débute avec les montagnes, des fleuves, les villes que les apprenants peuvent observer et voir. Ils observent d’abord les positions et les relations géographiques dans leur entourage immédiat avant de s’ouvrir à autre chose. Pour Pestalozzi, par cette voie les élèves comprendront et maîtriseront mieux ce qui se passe ailleurs lorsqu’ils l’apprendront par la suite.

Pour l’histoire, les apprenants se familiarisent avec ce qui leur est proche, avant d’aller plus loin. C’est une absurdité, autant pour Rousseau que pour Pestalozzi, que de vouloir familiariser les enfants avec l’esprit d’une époque révolue avant qu’ils aient l’intuition vivante de l’actualité du monde extérieur tel qu’il se présente à leurs sens. Selon eux, les enfants ne peuvent aller plus loin dans le temps et dans l’espace, ils ne peuvent avoir le sens historique, que s’ils maîtrisent d’abord ce qui leur est proche.

Pour Jousse, les humains pour mieux se développer doivent connaître leur histoire et leur milieu. Les gens perdent pied parce qu’ils n’ont pas compris qu’ils ont besoin de prendre tout leur appui dans le réel vivant, dans leur tradition et histoire, car tous les humains sont enracinés dans leur terre et leur passé. L’homme platonicien n’existe pas. ‘« Mais nous avons perdu, écrit-il, le sens de notre civilisation profonde. On a trop confondu civilisation et citadinisme. Ignorant notre histoire, nous avons perdu toute confiance en notre pays et nous allons vers des civilisations d’emprunt...’ »420.

Pour que les jeunes Kasaïens ne confondent pas civilisation et ‘citadinisme’, pour qu’ils n’ignorent pas les richesses de leur milieu et de leur histoire, et perdent toute confiance en leur terre, pour qu’ils n’aillent pas vers les civilisations d’emprunt mal assimilées, nous estimons que l’école doit donner aux apprenants des connaissances solides sur leur milieu et leur histoire.011

Notes
420.

JOUSSE (M.), Le parlant, la parole et le souffle, p. 320.