Un autre élément intéressant que le système scolaire peut reprendre est la place de choix accordée par l’éducation traditionnelle aux contacts humains et aux relations entre pairs pour l’inculcation des savoirs, des techniques et des valeurs. Dans l’éducation traditionnelle, les apprentissages se font certes dans les rapports que les enfants entretiennent avec les personnes adultes, mais aussi dans les rapports entre les individus d’un même degré d’âge. Les grands contrôlent les petits et leur inculquent ce qu’ils savent. Les individus d’un même groupe d’âge forment des bandes, travaillent ensemble, acquièrent diverses habiletés, se communiquent ce qu’ils savent. C’est dans leur groupe que les enfants apprennent à pêcher, à chasser les oiseaux, les sauterelles, les cigales, etc., et à élaborer des outils pour ces activités. Le groupe d’âge dans la société traditionnelle du Kasaï est un instrument puissant qui inculque les savoirs, les usages de la tribu et veille à leur respect.
On se rappellera que les auteurs étudiés, notamment les pédagogues, ont insisté sur la place des pairs dans la pédagogie de la connaissance. L’objectif constant de Pestalozzi était de « faire en sorte que chaque enfant se transforme aisément et sans tarder en éducateur de ses camarades »422. Il organisait des échanges entres éducables et estimait que l’enfant n’avait pas de meilleur moyen de vérifier la solidité de sa propre connaissance que celui d’aider son frère ou son camarade à faire le chemin. Il confiait pour cette cause des tâches aux aînés, aux plus avisés afin de cheminer avec les cadets et ceux qui étaient en retard.
Freinet organisait des coopératives actives pour que les enfants s’interpellent, se félicitent, collaborent, s’éduquent sur le plan des sociétés adultes basées sur l’effort et la responsabilité communautaire. Les élèves élaboraient avec le maître des plans de travail pour la communauté scolaire.
Selon Piaget, on a besoin pour se constituer une activité intellectuelle véritable, sous forme d’actions expérimentales, de recherches spontanées, d’une libre collaboration des individus, c’est-à-dire en l’occurrence des élèves eux-mêmes entre eux et non pas seulement du maître et de l’élève423. La collaboration, la discussion entre pairs et la coopération les débarrassent de l’égocentrisme, de la non relativité, de l’inconscience et de l’irréversibilité de la pensée du début au profit de la réciprocité, la relativité, la prise de conscience, la vérification et la réversibilité. Les rapports entre les enfants et l’adulte ne suffisent pas pour leur construction. Il faut aussi les rapports entre les élèves eux-mêmes qui leur permettent de s’exprimer spontanément, de discuter et de se contrôler mutuellement.
SOËTARD (M.), Pestalozzi ou la naissance de l’éducateur, p. 359.
PIAGET (J.), Où va l’éducation, p. 90.