Se servir des situations pour amener à découvrir les savoirs essentiels

Pour faciliter l’apprentissage, l’éducation traditionnelle va à l’essentiel. Les savoirs et la science concrète sont codifiés en de nombreuses sentences courtes, en l’occurrence les proverbes. La tradition a découpé les enseignements en des pièces de tailles différentes et facilement transportables. Par leur brièveté, rythmes et balancements, les proverbes ont le grand mérite de s’enseigner et s’apprendre en peu de temps, et à tout moment de la journée et à propos de tout. A chaque fois l’apprenant quitte son maître avec des enseignements nouveaux bien taillés et solidement sertis dans sa mémoire. L’essentiel de l’apprentissage y est consigné. On ne se perd pas dans les détails. L’élève est débarrassé de l’accessoire et du superflu, on inscrit dans sa tête l’essentiel. L’élève qui a appris tous ces savoirs bien synthétisés les porte partout où il va. Même pour les contes qui sont des leçons longues, à la fin de chaque conte, on donne toujours à l’assistance l’essentiel, une leçon simple et claire que l’on doit conserver même si le reste est oublié.

En nous appuyant sur cette procédure ancestrale et sur Aristote qui distinguait la forme de la matière, l’essence de l’accident dans toute chose, il nous semble adéquat pour la pédagogie de la connaissance au Kasaï d’amener l’élève, à partir des situations et des exemples, à distinguer l’essentiel de l’accidentel dans son apprentissage. Par l’intuition sensible, par la contemplation des cas particuliers et par l’induction que l’apprenant découvre l’universel, le nécessaire, les structures qui sont derrière les apparences. Il se doit d’appliquer ses sens aux objets pour être éveillé aux formes. Il importe d’aider l’apprenant à découvrir le fondement des choses, leur essence, ce qui fait qu’elles sont ce qu’elles sont. Il est indispensable que l’élève sache distinguer ce qui est essentiel de l’accessoire et du superficiel dans ce qu’il apprend.

Il n’est pas de mise de bourrer la tête de l’enfant de dates, de faits, d’anecdotes, de détails pratiques, de savoirs d’ordre factuel. C’est à l’essentiel qu’il faut rattacher de façon progressive le secondaire. Les savoirs à maîtriser sont des savoirs essentiels, des clés de lecture, des outils, des concepts pour comprendre et agir. Ils donnent accès à tous les autres points dans la mesure où ils les organisent et les rendent compréhensibles.

Ce sont les constants, les invariants, les structures qui sont derrière les apparences qu’on doit faire découvrir à l’enfant. Dans un cours sur le carré et le losange par exemple, il faut que l’apprenant sache la spécificité de chaque figure, quatre angles droits et quatre côtés égaux pour l’un, et les diagonales perpendiculaires pour l’autre. J’ai à l’esprit le cas d’un élève qui ne savait pas à l’examen distinguer un carré d’un losange, uniquement parce que lors des exercices, l’enseignant se faisait le plaisir de présenter toujours aux enfants un losange colorié, et le jour de l’examen, il ne l’avait pas colorié. L’enfant ne se retrouvait pas.

Il convient donc, au cours des apprentissages, de ne pas laisser s’imprégner dans la tête de l’élève des apparences, mais de lui faire découvrir l’essentiel qui est derrière elles. Il est indispensable que l’enfant sache distinguer l’essentiel de l’aléatoire, le nécessaire de l’accidentel dans ce qu’il apprend, qu’on fixe dans sa tête les bases solides qui lui permettraient de maîtriser sa condition d’existence.

C’est par les exemples tirés des situations concrètes, qu’on aidera l’enfant à découvrir les attributs essentiels et les attributs accessoires du concept. Il est important de varier les modes de représentation des exemples selon le contexte, et de pousser l’enfant à chercher dans son milieu des exemples qui comportent les attributs essentiels et non essentiels du concept étudié. Il importe qu’il comprenne que les attributs parasites n’entrent pas dans la définition du concept.

Pour permettre à l’apprenant de bien distinguer l’essentiel de l’accessoire, nous préconisons que l’enseignant ait un langage clair et simple. S’il s’agit de définir un concept ou un objet, le pédagogue fera autant que possible un réel effort pour que les apprenants voient, touchent, expérimentent ce qu’ils définissent. S’il est question de démonstration ou de clarification de concepts, il convient d’utiliser les mots simples et de lever toute ambiguïté. Le langage du pédagogue dans toutes ses interventions sera clair et à la portée des élèves. Ce n’est pas en cours qu’il faut faire montre de la richesse de son vocabulaire ou de l’étendue de ses connaissances. Il serait séant que l’enseignant prenne toujours le temps de vérifier si les mots qu’il emploie ont la même signification pour lui et pour ses interlocuteurs.

Au niveau des programmes scolaires, il importe aussi de signaler clairement les concepts clés, les compétences que les élèves sont sensés mobiliser après les apprentissages. Les enseignants doivent voir clairement à quoi s’en tenir.