1.1.1.2. La révolution industrielle : un nouveau type d’emprise sur la gestion du temps

La durée du travail s’allonge lors de la révolution industrielle au XVIIIème et au XIXème siècles. Sue (1994 78 ) montre le basculement du temps religieux au temps de travail, qui se manifeste symboliquement par la lutte opposant l’horloge à la cloche : « le temps de l’horloge succède au temps des cloches. Plus précise, mieux adaptée aux rythmes des villes, donnant l’heure de manière permanente, l’horloge devient le nouveau donneur de temps, le nouveau régulateur de la vie sociale, elle impose son ordre mécanique et sa rationalité ». On observe alors, le passage d’un temps cyclique et naturel à un temps linéaire et organisé. En quelque sorte, ceci constitue la traduction du passage entre le temps religieux et le temps laïc, temps de l’échange mercantile et des marchands (Boulin et al., 1992 79 ). La diffusion de l’horloge va accélérer un mouvement où le temps devient un temps séquentiel et déterminé par une valeur monétaire.

Cet allongement de la durée du travail va de pair avec le développement du taylorisme. Morin (1993 80 ) cite à cet égard la règle des trois unités qui s’applique dorénavant aux salariés :

  • unité de temps : l’horaire collectif. L’intervention du chronomètre permet en outre de mesurer les temps pour déterminer la meilleure façon de faire ;
  • unité de lieu : l’usine ;
  • unité d’action : l’ensemble du personnel est affecté à la fabrication du produit en bout de chaîne qui coordonne toutes les activités.

Ceci constitue une rupture entre une société féodale et une société industrielle. Avec l’apparition de la société industrielle et de l’entreprise capitaliste apparaît la gestion du temps de travail et en conséquence des temps individuels et du temps social.

Comme le montre Sue (1994 81 ), « le développement des ateliers, des manufactures, des entreprises minières, enferme le travail (et le travailleur) dans un lieu clos qui permet d’exercer un contrôle précis et rigoureux du temps. Le temps n’est plus que le temps de travail, découpé et rythmé selon les séquences de la production ». Dès lors, il devient possible de calculer les temps travaillés, de fixer des horaires de travail et de gérer le temps de travail.

Les conditions de travail deviennent extrêmement dures : l’amplitude journalière peut aller jusqu’à 17 heures, l’amplitude hebdomadaire jusqu’à 80 heures, soit plus de 4 000 heures travaillées par an. Le législateur va agir sous sa propre initiative ou sous la contrainte afin d’imposer des règles et des seuils dans la gestion du temps dans les entreprises.

Notes
78.

SUE R. « Temps et ordre social », Paris, PUF, 1994, 159 p.

79.

BOULIN J.-Y., CETTE G. et TADDEI D., « Le temps de travail : une mutation majeure », Futuribles, mai-juin 1992, pp.7-17

80.

MORIN P ; « La grande mutation du travail et de l’emploi », Les Editions d’Organisation, 1993, 159 p.

81.

SUE R. « Temps et ordre social », Op. cit., 159 p.