1.2.1.2. Objectifs de partage du travail et création d’emploi

Comme le rappelait Fitoussi en 1993 112 , la croissance nécessaire pour réduire significativement le chômage est de plus de 5% par an en moyenne. Un tel objectif apparaît impossible à atteindre sur une longue période. L’enjeu est donc « d’enrichir le contenu de la croissance en emplois », et de mieux répartir le travail rémunéré à taux de croissance égal.

La période durant laquelle s’affirme la problématique du partage du travail est caractérisée par des conflits sociaux très durs, significatifs de l’opposition radicale patronat/syndicat tant sur le principe d’un abaissement des normes que sur la validité de cette politique en matière d’emploi 113 .

A l’inverse des Etats-Unis pour lesquels la durée du travail ne fait l’objet d’aucune politique ni même revendications sociales et pour lesquels le moyen privilégié pour réduire le chômage est la baisse du coût du travail, la plupart des pays de la CEE s’engagent dans une politique de partage du travail à travers une réduction collective du temps de travail. Que ce soit du seul fait de la mobilisation syndicale (Allemagne en 1984, Grande Bretagne en 1979 puis en 1987 à 1990) et/ou de l’engagement des gouvernements dans cette problématique au sein des revendications syndicales (Belgique, Italie, Pays Bas, Danemark et France) (Boulin, 1992 114 ).

En France, le début des années 1980 a été marqué par une forte intervention des pouvoirs publics sur la question du temps de travail dans un objectif de réduire le chômage (cf. ordonnance de 1982). Cette politique de partage du travail, mise en œuvre en 1981 par le gouvernement socialiste, résultait de nombreux débats qui avaient traversé les milieux économiques, politiques et syndicaux sur les moyens d’endiguer un chômage croissant. Le thème du partage du travail atteint durant cette période son apogée (Bloch-London et Marchand, 1990 115 ).

L’impact de cette politique sur l’emploi est resté inférieur à celui qui était escompté (Arthuis, 1998 116 ). La compensation salariale intégrale (39 heures payées 40) s’est rarement accompagnée de la réorganisation du travail, la réduction du temps de travail s’est reportée sur la durée d’utilisation des équipements (Cette, Durand et Tyl, 1986 117 ), n’entraînant aucune dynamique. A partir de 1983, un scepticisme concernant les effets d’une réduction du temps de travail généralisée sur l’emploi, conduit à un épuisement de la problématique du partage du travail.

Notes
112.

FITOUSSI J.-P. « Utopie pour l’emploi », Observations et diagnostics Economiques, n°64, janvier 1998

113.

Succès des syndicats dans la métallurgie en Grande Bretagne en 1979, avec pour la première fois en Europe un accord sur la réduction du temps de travail à 39 heures ; échec dans la métallurgie allemande en 1979 mais succès en 1984.

114.

BOULIN J-Y. « L’évolution du temps de travail en Europe : une analyse comparée des dynamiques en cours », op.cit., 1992.

115.

BLOCH-LONDON C. et MARCHAND O., « Les enjeux de la durée du travail », Economie et statistique, Paris, INSEE, n°231, op. cit., pp.21-31.

116.

ARTHUIS P. « Réduction autoritaire du temps de travail à 35 heures. On ne spécule pas avec l’espoir des français », Commission d’enquête du Sénat sur les 35 heures, Problèmes économiques, n° 2 561, 25 mars 1998

117.

CETTE G., DURAND B. et TYL T., « Réorganiser le travail : une solution pour l’emploi ? », Economie et Statistiques, n°184, janvier 1986.