1.2.1.3. Facteur d’amélioration de la productivité et objectif d’efficacité économique

A partir du milieu des années 80, l’objectif du partage du travail est en bonne partie gommé par l’amélioration des perspectives économiques et par la baisse du chômage induite par l’accélération de la croissance qui semble alors durable.

Les politiques du temps de travail sont structurées par l’enjeu d’une plus grande flexibilité de l’organisation du temps de travail dans un objectif d’amélioration de l’efficacité productive et d’augmentation de la productivité. Cette évolution correspond au souci de renforcer la compétitivité des entreprises. Le temps de travail devient une variable d’ajustement leur permettant de répondre aux fluctuations de la demande.

C’est donc la recherche d’une plus grande flexibilité dans l’utilisation des moyens de production et, par conséquent, dans l’organisation du temps de travail, qui a entraîné la mise en place de dispositifs d’aménagement du temps de travail. La réduction du temps de travail cesse d’être un objectif en soi pour devenir, au mieux, une contrepartie aux contraintes imposées aux salariés par des formes d’aménagement du temps de travail modifiant leurs horaires (Bloch-London, 1997 118 )

On assiste à une diversification des temps avec le développement de la flexibilité quantitative du travail :

La flexibilité quantitative se développe sous deux formes : augmentation du travail posté et développement des dispositifs de modulation (Alis, 1999 119 ).

Le développement du travail posté permet l’augmentation de la durée d’utilisation des installations (DUI) et par conséquent d’améliorer la compétitivité. Dans les services, il permet l’élargissement des horaires d’ouverture à la clientèle. Dans l’industrie, il favorise un amortissement rapide des investissements et une économie de capital fixe (terrain, mur, machine), particulièrement avantageux dans les industries lourdes et/ou à évolution technologique rapide. Pour augmenter cette durée d’utilisation des installations, les cadres et les chefs d’entreprise aménagent les temps de travail à la journée, la semaine ou l’année. La modulation consiste à faire varier la nombre d’heures travaillées selon les fluctuations de la demande (produire beaucoup et rapidement lorsque la demande est forte et moins en période de baisse). Elle permet ainsi de mieux coller au marché, de satisfaire le client en réduisant les délais. Par convention ou accord d’entreprise, les entreprises peuvent lisser les horaires sur l’année si elles accordent en échange des contreparties (de réduction du temps de travail notamment). L’entreprise peut moduler selon son carnet de commandes sans payer d’heures supplémentaires.

Tous les pays sont concernés par ce mouvement, toutefois à des degrés divers liés à la capacité syndicale d’en limiter l’extension et de parvenir à maintenir soit la dynamique de réduction du temps de travail (Allemagne), soit le lien entre réorganisation du temps de travail et réduction du temps de travail (Danemark, Pays Bas, Suède). A l’inverse, pour d’autres pays, la réduction du temps de travail devient au mieux une conséquence des mesures de réorganisation du temps de travail.

La législation française introduit en 1987, une loi permettant de mettre en œuvre des formes d’organisation du temps de travail atypiques sans contreparties obligatoires en matière de réduction du temps de travail. On peut observer également le cas en Belgique avec la législation dérogatoire de 1987.

Au début des années 1990, la profonde dépression économique que connaissent les pays européens, et la montée du chômage qui l’accompagne, réactive la problématique du partage du travail à travers la réduction du temps de travail. La loi Robien (11 juin 1996) « tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction du temps de travail » donne à la RTT une nouvelle impulsion. Ce dispositif rencontre un succès relatif (Le Corre, Doisneau, 1998 120 ), il sera relativement controversé quant à ses effets, particulièrement lorsqu’il sera question de le retirer (Bézat, 1997 121 ). C’est dans ce mouvement récent que s’inscrivent les deux nouvelles lois (lois « Aubry I » et « Aubry II) sur la réduction du temps de travail. Ce nouveau cadre juridique permet au gouvernement d’organiser une vaste expérimentation de la réduction du temps de travail mais également de replacer la négociation au cœur de l’entreprise.

Notes
118.

BLOCH-LONDON C., « L’organisation du temps de travail », Travail et Emploi, n°73-4, 1997, p.120

119.

ALIS D. « De la théorie à la pratique. Cinq entreprises face aux 35 heures », Revue Française de Gestion, numéro spécial, Le retour du travail, n°126, op.cit., p. 169-209, p. 173.

120.

LE CORRE V. et DOISNEAU L., « La réduction de la durée du travail dans le cadre de la loi Robien. Bilan d’une année de conventions », Documents Dares, n°98-03-1, 1998.

121.

BEZAT J.-M., « Le gouvernement cherche à limiter l’usage de la loi Robien », Le Monde, 25 janvier 1997.