2.1.4. la theorie des systèmes : l’organisation est un système complexe dont les composantes sont en interaction permanente entre elles et leurs environnements

L’approche par les systèmes apporte une vision globale des phénomènes. Elle permet de mieux cerner les processus, les structures, les interactions avec différents environnements et les logiques de conduite des organisations. Elle est fondée sur un principe central : « les organisations sont des systèmes ouverts à l’environnement et doivent entretenir des relations satisfaisantes avec cet environnement pour survivre » 192 . On passe d’une étude analytique, précise à une étude globale de phénomènes complexes « inter-reliés ».

Ce courant apporte de nouvelles dimensions dans la compréhension du fonctionnement des organisations auxquels nous adhérons. Les chercheurs de Tavistock Institute 193 (Londres 1950), à l’origine de la théorie socio-technique, montrèrent que l’organisation peut être analysée sous la double perspective sociale et économique, et c’est l’ajustement entre les systèmes obéissant à une double logique qui détermine l’efficacité d’ensemble de l’organisation. L’objet du Tavistock Institute est de mettre à l’étude des problèmes humains dans une perspective d’optimisation de l’organisation sociale et technique du travail. Nous retenons dans le cadre de nos travaux de recherche quelques éléments de ces théories.

D’une part, selon ces théories il existe deux grands types de systèmes de production. Le premier type est le système « technique » qui privilégie les concepts de temps et de coût afin d’optimiser la gestion et une certaines rentabilité : l’homme est alors un rouage d’un ensemble, les tâches sont fractionnées et le contrôle efficient. Le second type est le système « social » qui considère que l’entreprise n’atteindra ses objectifs que si les conditions de motivation des salariés sont réunies. Les contraintes sociales et techniques interagissent, on ne peut optimiser l’un des domaines ou l’autre séparément. C’est un système ouvert qui doit aussi prendre en compte l’influence de l’environnement. Ces théories proposent une vision multiple de l’environnement avec une environnement général, un environnement contextuel et un environnement immédiat de la tâche. Nous parlons d’environnements internes et externes non discontinus.

D’autre part, l’objectif de la structure organisationnelle est de mettre en œuvre des postes de travail variés, autonomes, permettant aux individus de progresser professionnellement et qui répondent ainsi à leurs exigences, tout en s’adaptant aux exigences techniques (Livian, 1995 194 ). Nous cherchons aussi dans nos travaux de recherche à adapter l’organisation à son environnement par autorégulation. Cette dernière passe par plus de souplesse, de confiance les hommes, et à leur capacité à s’adapter aux changements de situations. En outre, cette conception sous-entend un fonctionnement actif et une contribution active de toutes les composantes de l’organisation.

L’organisation est une imbrication de sous-systèmes reliés entre eux. Chaque élément dépend de tous les autres et il existe entre eux des liens de causalité en boucle. Les différentes phases de l’ingénierie en management de l’ARTT : conception, construction, mise en œuvre et évaluation permettent d’opérer en « boucle », en offrant ainsi l’opportunité d’évaluer le processus mis en place par l’ingénierie et d’y apporter des actions correctrices le cas échéant. Cette dimension facilite la remise en cause permanente du fonctionnement de l’organisation. Notre représentation de l’ingénierie en management de l’ARTT suit donc un mouvement progressif.

Le choix dans notre recherche d’envisager le management des organisations sous un angle global s’inscrit dans ce courant. Nous présentons des types de processus (l’ingénierie en management de l’ARTT) permanents dont la mission est de gérer la multifonctionnalité du management (instrumentation) tout en agissant sur ses modalités complexes par des processus itératifs (conception, construction, mise en œuvre et évaluation) pour mettre en corrélation les choix stratégiques (le fonctionnement souhaité) et les environnements (environnements de travail, contextuel et général). L’organisation et ses environnements ne sont pas des données mais ils sont des construits (Bachelard 1968 195  ; Savall et Zardet, 1995 196 ).

Enfin, notre choix d’inscrire nos travaux dans ce courant est motivé par le fait que cette théorie est étroitement liée à une méthode, celle de la recherche-intervention, selon laquelle on analyse pas une organisation de l’extérieur, mais que l’on associe toutes les catégories de personnels aux chercheurs afin d’avancer par apprentissage mutuel (Boyer et Equilbey, 1999 197 ). Les acteurs vont ainsi travailler en groupe en prenant en compte à la fois leurs besoins et les impératifs de la production (Rojot et Bergman, 1991 198 ).

Notes
192.

MORGAN G., « Images de l’organisation », 1986, op.cit, pp. 40-41.

193.

Notamment TRIST E.L. et en Norvège, THORSUND E. Le Tavistock Institute fut fondé en 1946 par une équipe de chercheurs en sciences sociales britanniques réunis dans un groupe de travail militaire pendant la seconde guerre mondiale.

194.

LIVIAN F., « Introduction à l’analyse des organisations », 1998, 112 p., p. 82.

195.

BACHELARD G., « Le nouvel esprit scientifique », PUF, 1968, 10ème édition, 181 p.

196.

SAVALL H. et ZARDET V., « L’ingénierie stratégique du roseau », op.cit.

197.

Boyer L. et Equilbey N., « Organisation, Théories et applications », Editions d’Organisation, 1999, 363 p., p. 106

198.

Rojot J. et Bergman, « Comportement et organisation », Vuibert gestion, 1991.