3.1.1. la stratégie

Nous proposons de définir la stratégie en retraçant très succinctement son évolution historique et sa place dans la pensée stratégique et au sein des organisations.

3.1.1.1. Le concept de stratégie

La stratégie recouvre davantage un ensemble de concepts qu’un concept seul. Le terme stratégie trouve son origine étymologique dans le mot stratêgos, le stratège, chef de l’armée élu après les archontes, magistrats suprêmes des républiques grecques. Stratêgos est lui-même composé à partir de deux mots : stratos, armée et agein, conduire. La conception de la stratégie est lancée en Occident par deux courants évocateurs de Socrate : Platon insère la guerre dans « l’art royal », la politique, en subordonnant l’art du général aux philosophes-souverains. Xénophon énumère les qualités et les modes d’action du général.

Au Moyen-Age, le mot stratégie est encore peu utilisé, les traités s’intitulent « art de la guerre », dont l’expression a été majeure jusqu’au début du XXème siècle (Clausewitz, 1832 273  ; Foch, 1903 274  ; Ludendorff, 1936 275 ). Si le mot stratégie survit depuis la fin de l’antiquité sous la forme de « stratagème », ruse de guerre, il entre dans le langage courant dès le XIXème siècle en s’articulant avec l’idée de l’art de la guerre selon la distinction classique entre « stratégie », art de commander et manœuvrer les armées, et « tactique », art du combattant au cours de la bataille (Chanay, 1995 276 ).

A partir du moment où les conflits ont dépassé la guerre entre « militaires régularisés », la révolution est devenue permanente et les conduites stratégiques ont dépassé les stratégies militaires classiques : la politique est devenue le point crucial de la stratégie et des stratégies. Dès lors, la guerre et l’armée sont devenues des instruments de la politique des gouvernements.

C’est ainsi que de nouvelles définitions de la stratégie apparaissent, en raison de la technicité de la guerre et de la volonté du pouvoir politique suprême de demeurer maître de la guerre. La guerre devient un mode parmi d’autres pour élaborer une « stratégie intégrale » portant les projets et les philosophies politiques adversaires/partenaires en présence.

Ainsi, la notion de stratégie a été théorisée progressivement par les militaires (Le Roy, 1999 277 ). L’une des œuvres classiques est celle de Clausewitz (1832 278 ). La guerre est issue de la stratégie comme moyen de la politique. Selon lui, la stratégie implique un schéma en quatre phases : l’explicitation des objectifs, l’évaluation « lucide » de ses propres forces, l’inventaire des obstacles à l’action et l’analyse des combinaisons et utilisations possibles de ses forces pour lever les obstacles.

L’analogie avec la stratégie militaire est très répandue dans le milieu économique, notamment dans le monde des affaires, qui utilise un grand nombre d’expressions militaires : la bataille des prix, la campagne publicitaire… (Leclère, 1996 279 ).

Notes
273.

CLAUSEWITZ K. V., « De la guerre », trad. Editions de Minuit, 1955 in CHARNEY J.-P. : « La stratégie », Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 1995, p.8

274.

FOCH F., « Principes de la guerre », Berger-Levrault, 1903 in CHARNEY J.-P. : « La stratégie », op.cit., 1995, p.8

275.

LUDENDORFF E., « La guerre totale », 1931 in CHARNEY J.-P. : « La stratégie », op.cit., 1995, p.8

276.

Charnay J.-P. « La stratégie », Presses Universitaires de France, Coll. « Que sais-je ? », 1995, p.127, pp.7-13

277.

LE ROY F. « Stratégies militaires et management stratégique des entreprises », Economica, avril 1999, 250 p., pp. 93-94

278.

Clausewitz J.-P. « De la guerre », 1832, traduction française, Editions de Minuit, 1955 in CHARNEY J.-P. : « La stratégie », op.cit, 1995, p.8

279.

LECLERE D. « Gestion stratégique de l’entreprise », Hachette, Coll. Les fondamentaux, 1996, 158 p., p.18