3.2.1. Les principes généraux du concept de projet

La définition de la notion de projet retenue par l’AFTEP-AFNOR est : « le projet est une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir. Pour Giard et Midler (1993 347 ) « un projet est défini et mis en œuvre pour répondre au besoin d’un client, et implique un objectif et des besoins à entreprendre avec des ressources données ». C’est donc une création collective, organisée dans le temps et l’espace, en vue d’une demande. Midler (1993 348 ) distingue trois phases dans un projet : une phase de créativité, de dépassement, puis une phase de mise sous contrôle et de verrouillage et, enfin une phase de passage à l’acte.

Boyer et Equilbey (1999 349 ) définit la notion de projet comme « toute activité non répétitive qui vise à atteindre un objectif déterminé. Par extension, on peut considérer que la conception et la mise en œuvre d’une nouvelle organisation est un projet ».

La notion de projet est très souvent appliquée à l’entreprise, en effet, ce concept a fait l’objet d’une abondante littérature notamment dans les années 1980. Il s’en est suivi un certain nombre de travaux : certains auteurs ont proposé des typologies de projets (Pyrat-Guillard, 1998 350  ; Brabet et Klemm, 1994 351 ) d’autres des facteurs de succès des projets (Couillard et Navarre, 1993 352 ). Le projet d’entreprise a également été rattaché à certains autres concepts, comme la culture d’entreprise, la notion de valeur des entreprises (Boyer, 1992 353 ). On assiste même dans les années 1990, à l’émergence du concept de « projectique », science des projets.

Le Bœuf et Mucchielli (1992 354 ) définissent le projet d’entreprise comme ayant pour fonction de « revivifier les principes vitaux de l’entreprise pour contribuer à son développement économique, et il le fait en adoptant une vision humaniste de l’entreprise ». Pour ces auteurs, « l’objectif du projet d’entreprise, c’est stricto sensu le « dessein » au sens de projet.

La notion de projet d'entreprise a la particularité d'octroyer à chaque salarié la possibilité, certes plus ou moins étendue et plus ou moins réelle selon les organisations, de participer à la construction de l'entité au sein de laquelle il évolue. Ainsi, le dirigeant en vue de mobiliser ses collaborateurs et de stimuler leurs compétences, veillerait au développement d'un "espace participationnel" (Nebenhaus, 1992 355 ), susceptible d'encourager les échanges interpersonnels. L'objectif d'un projet d'entreprise est de renforcer la cohérence des actions des différents acteurs (Hernandez, 1994 356 ), il s'agit donc pour le manager, de développer une identité ou culture d'entreprise, en mobilisant les individus autour d'un credo.

L’émergence du concept d’organisation par projets est à mettre en rapport, non seulement avec des impératifs stratégiques ou de nouvelles techniques, mais surtout avec des logiques d’acteurs. Le processus de structuration de l’organisation par projets ne peut être analysé que comme le résultat d’actions effectuées par des acteurs mettant en œuvre des savoirs et des représentations, dans un contexte spécifique (Lemesle, 1997 357 ). Dans la lecture contingente, l’adaptation organisationnelle est le résultat d’un processus d’ajustement (« fit ») entre des exigences environnementales, médiatisées par la formulation de la stratégie, et des caractéristiques structurelles. Dans ce cadre, le développement des formes-projets est interprété comme résultant de la prise de conscience de nouveaux impératifs stratégiques (Navarre, 1993 358  ; Leroy, 1996 359 ) : le projet est perçu comme un moyen de revitalisation d’organisations confrontées à des exigences de flexibilité et d’innovation permanente. L’objectif d’amélioration de la performance de développement résume les enjeux portés par le concept de projet : il renvoie à la capacité de l’organisation à mener de manière plus efficace et efficiente le développement de nouveaux produits ou procédés, en respectant simultanément, des contraintes techniques, économiques et de délai. L’incapacité des formes traditionnelles de gestion de projet à faire face à ces nouvelles conditions a conduit à la promotion d’un nouveau « paradigme de gestion de projet » (Navarre, 1993 360 ), reposant notamment sur l’ingénierie concourante et la mise en place, pour chaque projet d’équipes multifonctionnelles. Pour une grande partie de la littérature, qui s’inscrit dans une perspective contingente, les caractéristiques des projets déterminent la forme d’organisation et le système de management adéquats pour les mener à bien.

Galbraith a montré que les formes organisationnelles conçues comme systèmes de traitement de l’information, varient selon leur capacité à faire face à l’incertitude (Galbraith, 1974 361 ). Dans le cas des projets, cette capacité dépend en grande partie des modalités de coordination retenue et de la forme de l’articulation projet-métier. Les « caractéristiques » des projets sont non seulement socialement construites, mais encore très largement dépendantes de l’histoire de l’organisation, de sa trajectoire d’apprentissage.

Avenier (1992 362 ) propose une définition du concept de projet très intéressante, puisqu’elle met l’accent sur la dimension stratégique du projet, en effet, « le projet d’entreprise peut être conçu comme un prolongement de la réflexion stratégique, destiné à mobiliser l’ensemble du personnel de l’entreprise autour des stratégies qui ont été arrêtées par la direction générale ». Conçu de cette manière, le projet est la continuation de la stratégie. Selon l’auteur une démarche de projet permet de favoriser la mise en œuvre des « stratégies tâtonnantes » : cette démarche est nommée « co-pilotage de projets co-conçus », soulignant le caractère collectif de la conception du projet et du pilotage de sa mise en acte (Avenier, 1997 363 ).

Nous proposons dans les sous-sections suivantes de nous intéresser au lien entre les notions de management, de projet et d’apprentissage organisationnel à partir des définitions du concept de projet que nous venons de dégager.

Notes
347.

GIARD V. et MIDLER C., « Pilotages de Projet et Entreprises : diversités et convergences », ECSIP, 1993, Economica, 306 p., pp. 17-29

348.

MIDLER C., « L’auto qui n’existait pas - Management des projets et transformation de l’entreprise », Préface de LEVY R.H., InterEditions, 1993, 203 p.

349.

BOYER L. et EQUILBEY N., « Organisation, Théories et applications », Editions d’Organisation, 1999, 363 p., p. 307

350.

Pyrat-Guillard D., « Les projets d’entreprise : d’une mode à des modes de gestion, bilan des pratiques passées et actuelles », Economies et Sociétés, Tome 32, n°2, Série Sciences de Gestion, n°24, février 1998, pp. 181-206

351.

BRABET J. et KLEMM M., « Le point sur les projets d’entreprises », Gestion 2000, Management et Prospective, Vol. 10, n°2, avril 1994, pp. 79-100

352.

COUILLARD J. et NAVARRE C., « Quels sont les facteurs de succès des projets ? Faut-il plus d’organisation ? plus d’outils ? plus de communication ?plus de planification ? », Résultats d’enquête menée à partir d’un échantillon de projets militaires canadiens », Gestion 2000, Management et Prospective, Vol. 9, n°2, avril 1993, pp. 167-190

353.

BOYER L., « Le projet d’entreprise : d’un management quantitatif à une approche culturelle de l’entreprise », Encyclopédie du Management, Vuibert, 1992, pp. 519-525

354.

Le Bœuf et Mucchielli A., « Le projet d’entreprise », Presses Universitaires de France, Coll. Que sais-je ?, 1989, 2ème édition corrigée, 1992, 128 p., p. 69

355.

NEBENHAUS D., «   Participation et expression dans les situations quotidiennes de travail », in BRISES, n°17, 1992.

356.

HERNANDEZ, E.-M., « Essor et déclin d'une démarche managériale : le projet d'entreprise », in Humanisme et Entreprise, 1994.

357.

LEMESLE F., « Projet et dynamique organisationnelle », Actes, 6ème conférence de l’AIMS à l’école HEC de Montréal, 24 eu 27 juin 1997, 554 p, pp. 147-156

358.

Navarre C., « Pilotage stratégique de la firme et gestion des projets : de Ford et Taylor à AGILE et I.M.S. », dans ECOSIP, sous la direction de Giard V. et Midler C., Pilotage et projet et Entreprises : Diversités et Convergences, Economica, Paris, 1993, pp. 181-215

359.

Leroy D., « Le management par projets : entre mythes et réalités », Revue Française de Gestion, n°107, 1996

360.

Navarre C., « Pilotage stratégique de la firme et gestion des projets : de Ford et Taylor à AGILE et I.M.S. », dans ECOSIP, sous la direction de Giard V. et Midler C., « Pilotage et projet et Entreprises : Diversités et Convergences », op.cit., 1993, pp. 181-215

361.

Galbraith J. « Organization design : an information processing view », Interfaces, Vol.4, n°3, mai 1974, pp. 28-36

362.

AVENIER M.-J., « De la planification au pilotage stratégique », Encyclopédie du Management, Tome 2, Vuibert, 1992, 393 p., p. 331

363.

AVENIER M.-J., « Stratégie tâtonnante et démarche-projet : une modalité née dans le contexte des opérations de construction publiques », ouvrage collectif coordonné par AVENIER M.-J., « La stratégie « chemin faisant », Economica, Coll. « Stratégies et organisations », 1997, pp. 269-297