3.3.2.1. La phase de maturation

La phase de « maturation » correspond à celle du dégel chez Lewin. L’obligation d’appliquer la nouvelle loi sur le temps de travail fait prendre conscience, aux dirigeants (actionnaires et/ou « leader ») de la nécessité de changer. Elle se traduit par l’élaboration d’un projet de changement plus ou moins formalisé. Au cours de la première phase (maturation), deux options s’offrent au dirigeant :

  • Soit celui-ci dispose d’une vision relativement claire de l’avenir de l’entreprise. Il cherche alors à construire et tester un projet formalisé de changement, précisant les grandes orientations de l’organisation de demain et la démarche et méthode à suivre pour concrétiser cette nouvelle organisation du travail. Le dirigeant endosse ici les habits du leader « charismatique » ou « visionnaire » appelé à donner corps à une intention stratégique (Hamel, Prahalad, 1990 405 ). L’élaboration du projet de changement sur l’ARTT, qui constitue l’aboutissement de cette phase, dépend essentiellement de la perception, de l’analyse et du sens donné par le leader à l’environnement interne comme externe. La manière dont le dirigeant interprète l’environnement se rapproche ici de la « vision conditionnée » au sens de Daft et Weick (1984 406 ). L’environnement est considéré comme analysable, concret, quantifiable. Le rapport de l’entreprise à ce dernier s’inscrit dans des routines qui structurent et orientent la collecte et le traitement de l’information, dont les sources sont majoritairement internes : audits, reporting, etc. Les autres acteurs sont peu impliqués dans cette phase, si ce n’est pour valider ou venir enrichir la vision du leader (Gioia et Chittipeddi, 1991 407 ). Les outils de gestion sont peu utilisés dans cette phase de maturation d’une vision stratégique.
  • Soit le dirigeant ne dispose pas de vision claire de l’avenir. Son objectif est alors de mobiliser les énergies des différents acteurs. L’impulsion d’un changement par l’implication et la mobilisation des acteurs est une étape préalable à l’élaboration d’une nouvelle vision de l’organisation de travail au cours de la seconde phase. Les outils de gestion utilisés à ce niveau peuvent être qualifiés d’outils d’investigation du fonctionnement organisationnel au sens de David (1998 408 ) et Moisdon et al (1997 409 ) (figure n°3-4). Ils vont permettre aux acteurs impliqués dans cette phase et dans les phases suivantes de se mettre d’accord à la fois sur les problèmes à résoudre et d’imaginer des solutions, des scénarios de réorganisation du temps de travail à mettre en place.
Figure n°3-4 : Les dimensions des outils de gestion
Figure n°3-4 : Les dimensions des outils de gestion

Source : d’après David, (1996) et Moisdon et al, (1997)

Notes
405.

Hamel G. et Prahalad C. K., « The Core Competence of the Corporation », Harvard Business Review , n°68, May-June 1990, pp. 79-91

406.

Daft, R. L., Weick, K. E., « Toward a model of organizations as interpretations systems », Academy of Management Review , Vol. 9, n°2, 1984, pp. 284-295

407.

Gioia, D. A., Chittipeddi, K., « Sensemaking and Sensegiving in Strategic Change Initiation », Strategic Management Journal, Vol. 12, 1991, pp. 433-448

408.

David, A., « Outils de gestion et dynamique du changement », Revue Française deGestion, n°120, Septembre-Octobre, 1998, pp. 44-59

409.

MOISDON J.-C., « Introduction générale », ouvrage collectif sous la direction de MOISDON J.-C., « Du mode d’existence des outils de gestion », Editions Seli Arslan, 1997, 286 P, pp.7-44