4.1.2.1. La notion de plasticité

Dès lors, comment comprendre cette faculté surprenante dont font preuve les organismes vivants en s’adaptant ainsi à des multiples situations, capacité que E. Morin (1980 463 ) résume par la notion de plasticité organisationnelle ?

La notion de plasticité est à rapprocher à la remarquable « Théories des unités actives » de F. Perroux (1973-1974 464 ). Selon, l’auteur, « une unité est dite active si, par son action propre et dans son intérêt propre, elle est capable de modifier son environnement, c’est-à-dire le comportement des unités avec lesquelles elle est en relation. Elle est couplée avec son environnement, plastique sous l’effet de son action (…). Elle adapte son environnement à son programme, au lieu d’adapter son programme à son environnement. »

Le neurobiologiste J. Paillard (1976 465 ) a réfléchi sur l’usage du concept de plasticité dans sa discipline pour décrire, in fine, les capacités d’adaptation d’un système (en l’occurrence le cerveau). Il montre que la notion de plasticité se conçoit en référence à une situation de stabilité : « le changement « plastique » intervenu dans la structure concernée traduira le passage d’un état initial de stabilité à un état final de stabilité, distinguable de l’état initial. ».

Selon Alcaras et Lacroux (1999 466 ), la notion de stabilité peut être comprise de diverses manières :

  • La stabilité peut tout d’abord être expliquée par l’existence d’une structure indéformable, auquel cas on ne peut pas parler de plasticité ou de capacité d’adaptation, mais au contraire d’un système rigide à toute pression de l’environnement. Ce genre de structure peut donc être détruite si la pression de l’environnement dépasse ses capacités de résistance.
  • La stabilité peut aussi se concevoir par rapport à une structure déformable. La métaphore de la fable « Le chêne et le roseau » de J. de la Fontaine peut nous servir à illustrer la différence de comportement entre un système rigide (le chêne de la fable, si fier de sa robustesse légendaire !) et un système qui s’adapte en changeant sa forme, sinon sa structure (le roseau, qui sous la pression du vent et de la pluie, plie mais ne rompt point…). Dans ce cas, le système fait preuve d’une certaine plasticité….
  • La stabilité peut se concevoir par rapport à une structure transformable. Dans ce cas, les changements de l’environnement peuvent être utilisés par un système qui serait capable de stabiliser en équilibrant sans cesse ses relations avec son environnement, ce qui nécessite de modifier en permanence ses structures internes et ses modes de fonctionnement dans cet environnement. Dans ce cas le système fait alors preuve d’une stabilité grâce à une équilibration permanente du milieu interne par rapport au milieu externe. On parle alors de plasticité.

Notes
463.

MORIN E. « La méthode. La vie de la vie », Tome 2, Edition Seuil, 1980, 472 p.

464.

Perroux F., « Pouvoir et économie », « Etudes économiques » 2, Dunod, 1ère édition, 1973, 140 p., 2ème édition, 1974, 139 p., p. 99

465.

Paillard J., « Réflexions sur l’usage du concept de plasticité en neurobiologie », Journal psychologique, n°1, janvier-mars 1976, p.39

466.

ALCARAS J.-R. et LACROUX F. « Planifier, c’est s’adapter », in Economies et Sociétés, Sciences de Gestion, Série S.G., n°26-27, 6-7/1999, pp.7-37, p.18