4.1.2.4. L’adaptation et l’autonomie stratégiques

Nous venons de voir que l’adaptation consiste à résister (système rigide), ou bien à se déformer (système élastique, flexible ou plastique). L’autonomie pour Morin (1977 475 ) se définit toujours par rapport à des relations de dépendance que le système entretient avec son environnement : « C’est dans la dépendance que se tisse et se constitue l’autonomie des êtres. De tels êtres ne peuvent construire et maintenir leur existence, leur autonomie, leur individualité, leur originalité que dans la relation écologique, c’est-à-dire dans et par la dépendance à l’égard de leur environnement ». La faculté d’adaptation d’une organisation sera interprétée comme une capacité générale à se changer tout en préservant son autonomie.

Pour Alcaras et Lacroux (1999 476 ), chaque façon de concevoir l’adaptation d’un système détermine une définition particulière de l’autonomie.

Les systèmes rigides (le chêne de la fable) s’adaptent… sans s’adapter (Savall et Zardet, 1995 477 ) : c’est leur résistance aux pressions extérieures qui leur permet de rester viables sans déformer leur structure et sans changer leurs finalités.

Les systèmes élastiques (le roseau) s’adaptent, en s’avérant capables de modifier leur structure - mais cette modification ne peut être que temporaire : en tout les cas structures et finalités restent stables. Dans ce cas, l’autonomie de ces systèmes est préservée grâce au maintien d’une double permanence : structurelle et téléonomique. En effet, le roseau est solidement enraciné, très résistant aux vents et aux turbulences stratégiques et des mutations, il réagit en souplesse et s’adapte sans se casser, ni perdre son identité (Savall et Zardet, 1995 478 ). La permanence structurelle s’entend comme la capacité du système à ne pas changer la nature de ses relations avec son environnement, ses modes de fonctionnement. La permanence téléonomique suppose que ce système ne change pas ses finalités. Les systèmes flexibles s’adaptent grâce à leur capacité à sacrifier une permanence au profit d’une autre pour évoluer. Ils peuvent modifier leur structure afin d’atteindre les mêmes objectifs : les finalités ne changent pas mais on les atteint différemment. L’autonomie repose dans ce cas sur une permanence téléonomique, assurée par une déformabilité structurelle.

Les systèmes plastiques s’adaptent en acceptant une transformation éventuellement profonde de leur structure et de leurs finalités au fur et en mesure de leur évolution, l’important étant de continuer à se différencier de l’environnement grâce à (ou malgré) ces changements. Le système acquiert une autonomie plus importante par sa capacité à se refinaliser, à se (re)créer des comportements perçus plus intelligents par rapport à l’évolution de son environnement. C’est une rupture importante, le système devient finalisant, c’est-à-dire capable d’élaborer ses propres finalités, et de les faire évoluer le cas échéant. La stabilité perçue n’est plus dans les résultats, mais dans les processus de finalisation et de structuration permettant d’aboutir à ces résultats : ce n’est plus la structure qui est permanente, mais sa capacité à se (re)structurer ; ce ne sont plus les finalités qui sont permanentes, mais la capacité à se (re)finaliser.

Notes
475.

Morin E., « La méthode, Tome 2, La vie de la vie », op.cit., 1980, 472 p., p. 204

476.

ALCARAS J.-R. et LACROUX F. « Planifier, c’est s’adapter », op.cit., 6-7/1999, pp.7-37, p.22

477.

SAVALL H. et ZARDET V., « Maîtriser les coûts et les performances cachés », op.cit., 1995, 401 p.

478.

Ibid., 401 p.