4.2.3. L’environnement pertinent pour l’analyse et l’action stratégique : L’articulation dialectique interne et externe

Le renforcement des réglementations et des législations sur le temps de travail (contraintes externes) exerce une pression sur l’environnement de l’entreprise. Ce qui nous conduit à reconsidérer la vision de l’environnement. Autrefois externe (clients, concurrents, institutions, fournisseurs) à l’entreprise et prédéterminé, l’environnement pertinent pour l’analyse et l’action stratégiques est aujourd’hui à la fois externe et interne (acteurs internes : dirigeants, personnels).

Pour Gervais (1988 511 ), il convient d’assurer un meilleur couplage entre l’environnement externe et l’environnement interne de l’entreprise, notamment grâce à l’apport de la sociologie des organisations et du travail. Triolaire (1994 512 ) distingue également deux types d’environnement, il considère que lorsque la pression externe augmente, le management exerce une pression interne plus forte pour augmenter le niveau d’effort et de productivité. Il est nécessaire que les efforts réalisés pour se positionner sur son objet stratégique ne soient pas une simple réponse aux sollicitations de l’environnement externe, mais également à celles de l’environnement interne qui comprend des incitations et des freins. Martinet (1984 513 ) explique qu’il est nécessaire d’associer l’environnement externe à l’environnement interne de l’entreprise et considère qu’il est illusoire de concevoir une frontière rigide entre l’intérieur de l’entreprise et son environnement externe.

Henri Savall et Véronique Zardet (1995 514 ) expliquent que dans la théorie socio-économique des organisations, l’entreprise est un acteur stratège qui évolue dans un environnement « pertinent », c’est-à-dire dont il construit les contours de façon interactive avec sa propre stratégie. La stratégie se co-détermine avec le périmètre de l’environnement pertinent. Leur analyse de l’environnement se fait à deux niveaux : ils distinguent l’environnement externe et l’environnement interne. La segmentation entre l’environnement externe et interne n’a en fait, pour Savall et Zardet (1996 515 ), pas d’existence en soi : elle est présente dans l’esprit des acteurs stratèges (client, fournisseurs, concurrents, personnel de l’entreprise,…) uniquement au travers d’un jeu d’images. Pour les auteurs, l’activité stratégique apparaît comme un mouvement en spirale ayant deux composantes : l’introversion (appropriation d’une certaine image de l’environnement par les acteurs de l’organisation) et l’extraversion (propulsion vers l’extérieur du projet et de l’action stratégiques préparées à l’intérieur de l’organisation). De plus, les auteurs considèrent qu’une entreprise où l’environnement n’est pas activé subit de fortes perturbations économiques et sociales lorsque des bouleversements extérieurs viennent la toucher. Au contraire, face aux mêmes bouleversements, une entreprise qui a su dans sa stratégie accorder une place importante et un rôle actif à son environnement interne absorbe beaucoup mieux les chocs plus ou moins erratiques qu’elle subit de l’extérieur au cours de son cheminement stratégique.

Nos travaux de recherche sur l’ingénierie du management stratégique de l’ARTT accordent un rôle fondamental aux ressources internes de l’entreprise. Celle-ci peut ainsi, organiser une vigilance plus active de son environnement pertinent, avec la participation des acteurs-clés internes (dirigeants et encadrement, notamment), du fait que tous les individus peuvent avoir une certaine contribution à la veille et à la mise en œuvre de la stratégie, puisqu'ils sont détenteurs et capteurs d’informations externes susceptibles d'être utilisées dans la réflexion et l'action stratégiques.

Notes
511.

GERVAIS M., « Contrôle de gestion et planification de l’entreprise », op.cit., 1988, 424 p.

512.

TRIOLAIRE G., « L’entreprise et son environnement économique », Editions Siery - 2ème édition, 1994, 353 p.

513.

MARTINET A.-C., « Management stratégique : organisation et politique », McGraw-Hill, 1984, 118 p.

514.

SAVALL H., et ZARDET V., « Ingénierie stratégique du roseau », op.cit., 1995, 517 p., p.82

515.

SAVALL H., et ZARDET V., « Vers la pensée en action stratégique ou le non-dit dans la pensée stratégique et son traitement », op.cit., septembre 1996, 27 p.